Contribution des carences en vitamines A et D dans le processus inflammatoire des maladies alcooliques du foie

Autor: Ouziel, Romy
Jazyk: francouzština
Rok vydání: 2015
Předmět:
Druh dokumentu: Doctoral Thesis
Popis: Les maladies alcooliques du foie (MAF) sont responsables de 3,8% de la mortalité mondiale et restent une cause majeure de mortalité par maladies hépatiques, plus importante que l’hépatite C. Malgré le fardeau qu’elles représentent, tant sur le plan de la morbi-mortalité que sur le plan économique, il n’existe que très peu d’options thérapeutiques hormis l’abstinence et la transplantation hépatique. Une meilleure compréhension de la pathophysiologie et des facteurs impliqués dans les MAF permettrait d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques afin d’améliorer la prise en charge et le pronostic des patients.Il est largement admis que les patients souffrant de MAF présentent une dérégulation de leur réponse immunitaire. A l’état de base, il existe déjà une hyper-activation de leurs monocytes circulants et une élévation de leurs taux plasmatiques de cytokines pro-inflammatoires, dont le tumor necrosis factor-α (TNF-α). Lors d’une stimulation, la réponse inflammatoire des patients avec une MAF est exacerbée, les taux de TNF-α augmentent rapidement. Cet état, dont tous les mécanismes ne sont pas encore élucidés, est associé avec la sévérité et la mortalité de la MAF, ainsi qu’avec la survenue de complications de la cirrhose. Identifier les facteurs qui sous-tendent à cette réponse inflammatoire excessive et délétère aiderait probablement à mieux la réguler. Les patients atteints de MAF présentent de manière très fréquente un état de dénutrition qui est également associé au développement de complications et à la mortalité de la cirrhose. Les études de supplémentation nutritionnelle, dont les résultats sont controversés, se sont portées principalement sur le versant protéino-calorique des carences, alors que les patients souffrant de MAF présentent aussi des déficiences spécifiques en micro-nutriments, notamment en vitamines A et D, dont la signification pathophysiologique n’a jamais été étudiée. En effet, les vitamines A et D possèdent, en plus de leurs effets classiquement décrits, des effets immuno-modulateurs, anti-inflammatoires, anti-TNF-α et anti-fibrosants. Les carences en vitamine A et en vitamine D, ou en leurs métabolites actifs, l’acide all-trans rétinoïque (ATRA) et la 1α,25-dihydroxyvitamine D (1,25(OH)2D), pourraient donc être impliquées dans l’hyper-réponse inflammatoire délétère et dans la fibrose présentes dans les MAF. Dans un premier temps, nous avons étudié l’association entre les taux plasmatiques des vitamines A, D et d’ATRA, et la sévérité et la mortalité des MAF. Nous avons confirmé l’existence de déficiences en ces micro-nutriments chez les patients souffrant de MAF et nous avons montré l’association significative de ces carences avec la sévérité de la maladie, évaluée par les scores de MELD et de Child-Pugh, ainsi qu’avec la mortalité. Ces observations épidémiologiques très intéressantes ne permettent, cependant, pas de déterminer le rôle biologique potentiel des carences en vitamines A et D dans le développement et la progression des lésions hépatiques liées à l’alcool. En effet, le foie étant l’organe principal de stockage de la vitamine A et le lieu de la première hydroxylation de la vitamine D, les carences pourraient aussi bien être la conséquence de l’insuffisance hépatique et donc, un marqueur de sévérité, qu’une cause aux lésions, et donc une cible thérapeutique potentielle. Afin de déterminer l’existence d’un lien causal entre déficience et maladie hépatique, nous avons élaboré des expérimentations in vitro sur des cellules de patients et in vivo chez la souris. Nous montrons que les supplémentations in vitro en ATRA ou en 1,25(OH)2D modifient la réponse inflammatoire exacerbée des lymphomonocytes circulants (PBMC :peripheral blood mononuclear cells) de patients avec MAF. Elles diminuent l’expression et la production de TNF-α et augmentent celle de l’interleukine-10 (IL-10), cytokine anti-inflammatoire, en ce qui concerne l’ATRA. L’action de ce dernier est pré-transcriptionnelle puisqu’il agit sur l’expression de TNF-α, et semble être dépendante de son récepteur à l’acide rétinoïque de type RAR. En effet, l’ATRA agit via sa liaison à deux types de récepteurs, le RAR et le RXR, récepteur rétinoïque X. Nos données montrent que l’utilisation d’un agoniste RAR reproduit les mêmes effets que l’ATRA, à l’inverse de l’utilisation d’un agoniste RXR. In vivo, dans un modèle murin de MAF, nous montrons que la supplémentation orale en 1,25(OH)2D est capable de diminuer l’expression intra-hépatique de TNF-α qui est augmentée par le régime alcoolisé. Nos résultats montrent donc que dans le contexte des lésions hépatiques liées à l’alcool, les supplémentations en métabolites actifs des vitamines A et D, in vitro, sur des cellules de patients, et in vivo, dans le modèle Lieber-DeCarli, ont un effet inhibiteur sur le TNF-α circulant et intra-hépatique. En parallèle à ces données de supplémentation, nous montrons que la carence en vitamine A chez des souris s’accompagne d’une augmentation de l’activation et de la fonction de leurs macrophages péritonéaux, état réversible par l’administration orale d’ATRA. De manière intéressante, nous observons également un état d’hyper-activation des monocytes circulants de patients avec MAF, dont la déficience en vitamine A a été démontrée. Ces données suggèrent que la carence en vitamine A présente chez les patients atteints de MAF pourrait faire partie des mécanismes favorisant cet état d’hyper-réponse inflammatoire.Certaines données montrent que la consommation chronique d’alcool induit une stabilisation de l’ARNm de TNF-α, expliquant en partie l’augmentation de ses taux plasmatiques chez les patients avec MAF. D’autres montrent qu’un traitement par l’ATRA est capable de déstabiliser l’ARNm de TNF-α, accélérant ainsi sa dégradation. Nos résultats montrent que la carence en vitamine A chez la souris s’accompagne d’un allongement du temps de demi-vie de l’ARNm de TNF-α exprimé par les macrophages péritonéaux murins, illustrant sa plus grande stabilité comparée aux souris non carencées en vitamine A. La déficience en vitamine A présente dans les MAF pourrait donc expliquer, du moins en partie, l’augmentation des taux de TNF-α par la stabilisation de son ARNm.Finalement, nous avons étudié l’effet de la 1,25(OH)2D sur le phénotype de cellules stellées humaines, impliquées dans le processus de fibrose hépatique. Le traitement de ces cellules par le métabolite actif de la vitamine D diminue leur activation, modifie l’expression de gènes pro- et anti-fibrosants, mais n’a pas d’action sur l’apoptose.En conclusion, nous montrons pour la première fois l’association entre les déficiences en vitamine A/ATRA et vitamine D, et la sévérité des MAF. De plus, nos résultats suggèrent que les carences vitaminiques, présentes chez les patients avec une MAF, pourraient participer à la pathophysiologie de ces maladies en activant les cellules immunitaires, et que leur supplémentation pourrait diminuer l’état pro-inflammatoire et pro-fibrosant délétère de la cirrhose. Les déficiences en vitamines A et D ne seraient pas seulement le reflet de la sévérité de la MAF, mais joueraient bien un rôle dans le développement et la progression des lésions hépatiques. Leur évaluation et leur correction devraient être étudiées comme cible thérapeutique dans la prise en charge des MAF.
Doctorat en Sciences médicales (Médecine)
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