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La recherche part de l'expérience clinique du chercheur, un conseiller d'orientation et psychothérapeute, lequel a œuvré plus de 25 ans à la réadaptation de personnes confrontées à des limitations fonctionnelles significatives et persistantes les menant à une situation de handicap. La thèse, portant un regard existentiel se voulant complémentaire aux modèles conceptuels en vigueur dans le secteur de la réadaptation, part de la question de recherche suivante : « Quelles sont les manifestations des dimensions paradoxales de l’existence humaine dans l’expérience de soi de personnes engagées dans une démarche de réadaptation à la suite d’un évènement traumatique? » La recherche procède à partir de trois études de cas uniques instrumentaux dans une perspective qualitative. Les parcours expérientiels qui émergent des études de cas sont ancrés dans l’expérience subjective des personnes impliquées. L'évolution de leur expérience pendant l'année de la cueillette de données, soit durant leur réadaptation, montre des manifestations des dimensions paradoxales de l'existence. Ces manifestations sont d’une part colorées par les préoccupations singulières de chacun des trois participants à la recherche. D’autre part, les trois études de cas suggèrent que les participants à la recherche vivent un bouleversement significatif de leur vision d'eux-mêmes et du monde dévoilant des dimensions paradoxales de l'existence dans ce contexte de confrontation à la finitude humaine : ils sont habités par des expériences de contraction (impression d'être petit et d'être diminué) et d'expansion (impression d'être grand et de se développer); ils tentent tous les trois dans un premier temps de rétablir leur centre conventionnel (Schneider, 1999a); et ils s'engagent progressivement dans un processus les portant à développer leur centre fluide (Schneider, 1999a; Schneider, 2004). Ces dernières dimensions ─ contraction-expansion, centre conventionnel-centre fluide ─ sont paradoxales au sens où elles constituent des expériences qui peuvent paraitre contradictoires dans leurs manifestations, mais qui sont en fait des expériences qui cohabitent au plan expérientiel, l’une étant moins manifeste au profit de l’autre selon les moments. Qui plus est, vivre de la contraction au sens de se retirer en soi et se fermer évoque inévitablement un désir d’expansion au sens de s’ouvrir et de trouver de nouvelles possibilités d’adaptation. Les interventions en réadaptation soutiennent habituellement le développement d'un sentiment d'efficacité, le rétablissement de l'estime de soi et la reprise des rôles sociaux. Ces visées, bien que positives, favorisent surtout la mise en place du centre conventionnel, lequel procure à la personne un sentiment de stabilité. Ce centre conventionnel, qui contribue à donner un sens à l'existence, est en effet ébranlé à la suite du bouleversement provoqué par la confrontation subite du sentiment illusoire de sécurité. Les résultats suggèrent toutefois que les participants à la recherche développent de façon intensive leur centre fluide, lequel permettra de modifier chez les sujets leurs façons usuelles de s’adapter, élargissant en quelque sorte les possibles au-delà du centre conventionnel, sans pour autant l’invalider. Bien que le centre fluide ne soit pas nécessairement une source de confort et de sentiment de contrôle de sa vie, cette dimension qui se développe sous l’effet de la souffrance vécue et, possiblement, du soutien par un intervenant, est source d'une présence à soi porteuse d'une transformation qui guide la personne dans ses actions, en particulier face à l’arbitraire de la vie et envers l'inconnu vis-à-vis sa propre existence. Pour ce qui est des manifestations d’expansion et de contraction, les résultats montrent qu’elles sont bien des manifestations paradoxales au sens où elles sont expérimentées simultanément par les participants, bien que l’un ou l’autre puisse être davantage manifeste selon les personnes. En se rappelant que chaque étude de cas s’est déroulée dans le cadre d'un processus de réadaptation, il devient apparent au chercheur qu'il y a une forme de complémentarité et non une contradiction dans le développement de ces deux centres, conventionnel et fluide, tout comme pour les dimensions paradoxales de l’expansion et de la contraction qui se manifestent à divers moments du processus de réadaptation et constituent en fait des formes différentes de tentatives de retrouver un contrôle sur leur vie des participants. Finalement, les résultats des trois études de cas illustrent un contexte de vie qui recoupe le concept de situation-limite développé par le philosophe Karl Jaspers. La réflexion du chercheur lors de l'analyse des données l'a conduit à ce concept qui réfère à des contextes de vie éprouvants, sans solution immédiate, qui confronte la personne au défi nécessaire d'assumer sa réalité personnelle et les aléas de la condition humaine. Tout en considérant les limites d'une recherche exploratoire et, qui plus est, provenant d'un petit nombre de sujets, les résultats de la présente recherche posent des jalons pour mieux comprendre l'expérience de personnes confrontées aux dimensions tragiques de l'existence humaine et permet de déceler des dimensions de l’expérience des personnes en réadaptation qu'un intervenant pourrait apprendre à repérer et à soutenir par ses interventions. Mots clés : dimensions paradoxales de l'existence, traumatisme, quête de sens, souffrance, expérience de soi, psychologie existentielle. |