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Cette thèse de doctorat vise à renouveler la problématique de l'organisation communautaire au Québec en tant qu'elle se présente comme une technique de changement social. La question de la recherche est celle posée par l'adoption en 2001 d'une Politique de reconnaissance de l'action communautaire par le gouvernement du Québec. Celle-ci fut définie comme un dispositif mettant fin au litige concernant la protection de l'autonomie des organismes communautaire en instituant une réglementation des divers modes de soutien étatique à leur financement. Or, loin de mettre fin au débat, cette politique l'a plutôt relancé. Jadis, au début des années 1970, disait-on, le gouvernement du Québec « récupérait » les cliniques populaires de santé pour en faire des institutions publiques tout en les évidant du contrôle démocratique des usagers. En 2001 la nouvelle perspective de « récupération » se présenterait avec une nouvelle formule, « post-providentielle » de gestion de l'État, qui consisterait à maintenir un contrôle centralisé de ses missions tout en l'allégeant de la responsabilité de la production directe des services désormais déléguée à des instances locales publiques ou privées. Dans ce nouveau contexte, le mode de financement par « ententes de service » deviendrait inéluctablement un incitatif fort pour transformer les organismes communautaires « autonomes » en organismes parapublics. La contribution de cette thèse consiste à proposer un recadrage de ce débat pour mettre en question non pas la survie de l'institution que sont devenus les organismes communautaires au Québec, mais celle de leur capacité à instituer/créer des pratiques sociales autonomes, c'est-à-dire voulues, conçues et appropriées par des individus réunis en collectif. Une mise en discussion des réflexions théoriques de Fernand Dumont sur la culture et de Cornelius Castoriadis sur l'institution imaginaire de la société permet de situer les organismes communautaires dans un espace interstitiel du social, celui de l'imaginaire instituant, là où se joue une confrontation constante entre les legs historiques qui permettent au monde de tenir ensemble et la créativité humaine qui le fait être projet. Cette position des organismes communautaires en fait des objets d'observation privilégiés pour étudier le travail d'institution de la société québécoise. Or le récit commun du mouvement communautaire en situe les origines au contexte de la Révolution tranquille ce qui a pour conséquence d'en limiter la compréhension dans les cadres idéologiques de cette période. En remontant par delà ce point zéro de la mémoire du mouvement communautaire québécois, il est possible d'identifter la présence d'associations civiques depuis la Nouvelle-France. Les formes organisationnelles, les bassins de recrutement, les idéologies et les rattachements institutionnels varient d'une époque à l'autre et sont habituellement autant d'indices des déplacements des valeurs, des significations et des institutions dans l'imaginaire social. Néanmoins il s'en dégage une logique que nous dirons matricielle et qui a pu accueillir des programmes idéologiques opposés allant du corporatisme social à l'autogestion. Des figures comme la mission à accomplir avec une rigueur morale sans compromis, l'impératif d'entraide et l'affirmation identitaire forment ce que nous avons nommé une logique instituante typique de la culture québécoise. L'approfondissement de la prise de conscience de ces attractions mémorielles pourrait rendre plus autonome, mais jamais complètement, notre développement communautaire. ___ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Communauté, Association, Imaginaire, Mémoire collective, Représentations sociales, Solidarité. |