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C’est sous la forme romanesque qu’Ousmane Diarra, écrivain contemporain et bibliothécaire à l’Institut français du Mali, dénonce l’invasion d’islamistes radicaux dans son pays natal, de même que leurs méthodes d’asservissement et de contrôle (endoctrinement, violence verbale et physique, humiliation, destruction des corps). Écrit en réaction aux événements de 2013 au Mali, La Route des clameurs (2014) met en scène un jeune garçon, Bassy, dont la vie quotidienne bascule, lorsque le « Calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne et sa horde de Morbidonnes ramassés dans les caniveaux » imposent leur nouvel ordre religieux (La Route des clameurs 19). Ainsi, dans les onze chapitres qui composent ce conte romanesque, l’enfant-narrateur, enrôlé de force dans le djihad, raconte ce qu’il a vécu, vu ou entendu, rapportant aussi les paroles d’autres personnages, notamment celles de son père. En nous basant sur les théories bakhtiniennes sur la polyphonie et la voix de l’auteur dans le roman, nous allons nous intéresser non seulement à la parole libérée de cet enfant-narrateur au patronyme inconnu, mais aussi à la voix de son père, un artiste-peintre fier et bravant l’ennemi fanatique par la création artistique. Si ces voix narratives se font entendre à l’intérieur du roman, une autre voix – celle de l’auteur implicite –, dissimulée dans les voix du jeune garçon et du père, a toute sa place. En effet, l’écrivain malien s’efface devant le langage de l’enfant pour se libérer de son trop-plein de douleur face à l’instrumentalisation des enfants et à la dislocation des familles, s’engageant ensuite, tout en tenant ses distances, dans une résistance à l’intolérance et à l’obscurantisme par l’entremise du personnage du père. Ce collage de voix et de perspectives suscite tantôt du dégoût, tantôt de la compassion. Finalement, par ces procédés narratifs et énonciatifs, Ousmane Diarra pousse-t-il le lecteur à prendre part à sa démarche scripturale en le conviant à « dire non à l’imposture » ? Abstract: A contemporary writer and librarian at the French Institute of Mali, Ousmane Diarra denounces the invasion of radical Islamists in his native country, as well as their methods of enslavement and control (indoctrination, verbal and physical abuse, humiliation, destruction of bodies). Written in reaction to the events of 2013 in Mali, La Route des clameurs (2014) features a young boy, Bassy, whose everyday life is changed when the “Caliph Mabu Maba also known as Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne and his horde of Morbidonnes gathered in the gutters” imposed their new religious order (Diarra, 2014a: 19). Thus, in the eleven chapters that embody this novelistic tale, the child-narrator, enrolled by force in the jihad, recounts what he has experienced, seen or heard, while also giving testament to the words of other characters, especially those of his father. Based on the Bakhtinian theories of polyphony and the author's voice in the novel, my study will focus not only the liberated speech of this child-narrator with his unknown surname, but also in the voice of his father, a proud painter who challenges the fanatical enemy using artistic creation. If these narrative voices are heard within the novel, another voice - that of the implicit author - concealed in the voices of the boy and the father has its place. Indeed, the Malian writer blends his voice with that of the child’s to free himself from his overflow of pain in front of the instrumentalisation of children and the dislocation of the families. Through the character of the father he bears witness as an active resistant to intolerance and obscurantism while continuing to asserts his distance. This collage of voices and perspectives provoke to some extent feelings of disgust, and compassion. Finally, through these narrative and enunciative strategies, does Ousmane Diarra urge the reader to take part in his scriptural approach by inviting him to "say no to imposture"? |