Les épreuves externes comme soutien au développement professionnel des enseignants dans leurs pratiques d’évaluation certificative : les apports d’une recherche collaborative

Autor: Tessaro Walther
Rok vydání: 2015
Zdroj: Evaluer : Journal international de recherche en éducation et formation
Popis: Cet article scientifique porte plus particulièrement sur les évaluation externes en tant que repères parmi d’autres possibles pouvant participer aux systèmes de référents pour l’évaluation des apprentissages des élèves par les enseignants. Pour rappel une des hypothèses formulée dans notre requête FNS (octroi n°100013 143453/1) était que les épreuves externes étaient susceptibles d’opérationnaliser les attentes institutionnelles à travers les types de tâches et niveaux d’exigence demandés à des moments précis du cursus scolaire mais dont les effets sont encore peu connus. Les plans d’études tel le plan d’étude romand (PER) proposent souvent des objectifs très généraux qui guident finalement peu les enseignants pour l’opérationnalisation de leurs évaluations internes des apprentissages des élèves. La traduction des objectifs généraux en des tâches évaluatives susceptibles de révéler les niveaux atteints par les élèves reste relativement délicate. Les épreuves externes semblent avoir pour intérêt d’indiquer aux enseignants les attentes institutionnelles sous forme d’items concrets formulés à différents moments du cursus de formation de l’élève au regard des niveaux d’exigence attendus. Les documents qui accompagnent les épreuves externes destinés aux enseignants peuvent présenter également des informations intéressantes telles que les objectifs d’apprentissage évalués les critères de correction les consignes de passation le seuil de réussite et le barème. La littérature de recherche tend également à argumenter que les épreuves externes sont susceptibles de contribuer à la régulation des pratiques d’enseignement et d’évaluation en classe (e.g. Barneveld 2008 ; Rosenkvist 2010 ; Slomp 2008). Elles semblent pouvoir être d’une grande richesse pour la formation des enseignants et leur développement professionnel et contribuer en partie à une harmonisation des pratiques d’évaluation interne. C’est à partir de ces postulats que l’auteur a examiné le rôle joué par des épreuves externes dans la construction d’une part des évaluations certificatives internes d’enseignants de l’école primaire genevoise (deuxième cycle élèves de 8 12 ans) et d’autre part au cours de la correction de productions des élèves faisant l’objet d’une note. Pour ce faire il s’est appuyé sur l’analyse des corrections en acte d’enseignants quand ils corrigent des copies d’élèves ainsi que sur un dispositif dit de modération sociale qui vise à construire collectivement une représentation commune des attentes officielles traduites dans les référents externes et à déboucher sur des consensus à propos des pratiques d’évaluation des apprentissages des élèves internes à la classe (Wyatt Smith et al. 2010). Dans le cadre de cet article une partie du corpus de recherche a été analysé par rapport au dispositif général de recherche qui était composé de trois volets : (1) des observations individuelles de pratiques de correction de copies en français (production écrite) et en mathématiques (résolution de problèmes) assorties à des entretiens semi structurés le recueil des outils d’évaluation élaborés par les enseignants; (2) des réunions de modération sociale visant à confronter les différentes évaluations du volet 1 et à construire une culture d’évaluation commune ; (3) la réplication du volet 1. Le dispositif a été mobilisé deux fois : avec des enseignants de degrés 3 et 4 (élèves de 8 10 ans) puis avec les degrés 5 et 6 (élèves de 10 12 ans). Toutes les rencontres ont été enregistrées : des retranscriptions du volet 1 des deux cohortes et des échanges de modération sociale en sous groupes et en plénière (volet 2). Le corpus concerné par l’article porte sur des retranscriptions du volet 1 des deux cohortes et des échanges de modération sociale en sous groupes et en plénière (volet 2). L’article s’intéresse notamment aux formes que peuvent prendre les contributions des enseignants à la recherche entreprise dont un des volets s’appuie sur des modalités collaboratives (les modérations sociales) supposant une relation réciproque entre acteurs de terrain et chercheurs et visant respectivement le développement professionnel et la production de savoirs scientifiques autour notamment de l’usage des épreuves externes en tant que référent aux évaluations internes des enseignants. Ainsi des rencontres préalables au recueil de données ont permis de définir avec les enseignants les domaines évalués au cours du premier volet ainsi que d’autres aspects du dispositif. Pendant le déroulement de la recherche la nature et l’intensité de la collaboration entre les participants ont été différentes. Des outils pour soutenir les dimensions de la modération sociale ont été proposés par les chercheurs à partir de la littérature de recherche sur l’évaluation des apprentissages dans une perspective d’analyse réflexive des pratiques. À plusieurs reprises ces outils ont été ajustés afin qu’ils soient en adéquation avec la réalité des pratiques des enseignants et qu’ils puissent continuer à soutenir les confrontations et le partage du savoir d’expérience d’une part la construction de consensus d’autre part. Du point de vue plus spécifiquement des épreuves externes telles qu’elles ont été convoquées pendant les modérations sociales l’analyse montre que les tableaux de spécification et les guides de correction proposés aux enseignants comportent des informations utiles pour guider l’évaluation interne des productions des élèves. Il ressort qu’une partie de ces informations est susceptible d’être présente dans les instruments élaborés par les enseignants. Lors des rencontres de modération sociale certains enseignants ont explicitement engagé des discussions à propos de ces tableaux pour établir des liens avec leurs propres pratiques d’évaluation interne et débattre à propos d’une éventuelle adéquation. Il apparaît que le référent externe contribue parmi d’autres repères à orienter et harmoniser des pratiques enseignantes tout en favorisant une discussion à propos de « ce qui est acceptable » pour les évaluateurs et pour l’institution. L’analyse des contrôles écrits montre que les épreuves externes sont susceptibles également de soutenir l’harmonisation des pratiques sur d’autres plans. Elles valorisent par exemple la présence d’items complexes en mathématiques. Selon certains enseignants cette orientation a constitué un vecteur de changement des pratiques d’enseignement et dans une moindre mesure d’évaluation. Certains enseignants justifient en effet la présence d’une majorité de tâches d’application dans leurs instruments d’évaluation par le fait que celles ci sont plus faciles à évaluer d’une part ; qu’elles ne discriminent pas comme le font les situations problèmes et contribuent donc à la réussite des élèves d’autre part. En expression écrite (français) les productions analysées contiennent toujours un guide à l’usage de l’élève qui indique la forme et les contenus caractérisant le genre textuel évalué. Ce guide fait aussi office de grille d’évaluation pour l’enseignant voire d’auto évaluation de l’élève. Outil polyvalent il est issu des différents modules abordés lors de la séquence didactique donc dans une perspective d’enseignement apprentissage et sert de support à l’évaluation certificative. L’épreuve externe semble pouvoir participer à la création d’une culture commune en signalant la nécessité d’assurer un étayage lors d’une production textuelle. Avec un tel outil la tâche complexe de production de l’écrit est découpée en autant de ressources nécessaires pour la réaliser. Les élèves n’ont ainsi pas à mobiliser celles ci mais essentiellement à les traiter. Si les épreuves externes peuvent soutenir l’amélioration des pratiques d'évaluation des enseignants genevois il reste à réfléchir à un usage adéquat dans les dispositifs de formation continue de manière à les considérer comme des repères significatifs. La modération sociale pratiquée au sein d’un établissement apparaît dès lors comme une modalité et un niveau d’action intéressants et constitue ainsi une perspective prometteuse. La confrontation des épreuves externes avec celles élaborées par les enseignants s’y inscrit dans une conception contextualisée du développement professionnel qui n’est pas détaché de la pratique dans lequel il prend place. Les consensus qui ont émergé entre les enseignants dont certains ont été directement ou indirectement induits par les épreuves externes devraient permettre un réinvestissement dans les pratiques ainsi que l’intériorisation de nouveaux savoirs professionnels.
Databáze: OpenAIRE