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La pierre est utilisée assez largement dans les constructions de Paule : le grès d’abord, sous la forme de moellons pour le parementage des talus (phase 1) et de la partie basse des remparts (phases suivantes), le schiste ensuite pour les dallages et couvertures de caniveaux. Mais le matériau de construction principal reste le bois. Dix-sept espèces végétales ont été identifiées [tabl. xiv], avec une nette prédominance de Quercus sp., suivi par Coryllus avellana, Alnus sp., Genista sp., Cytisus sp. et Ulex sp. À la phase 1 des troncs d’aulne ont été utilisés, issus de zones humides, et des troncs de chêne provenant d’un milieu largement déboisé. À l’inverse, aux phases 4 et 5 les chênes ont poussé dans un écosystème unique : la forêt dense [tabl. xv ; fig. 284].Ceci va à l’encontre des observations effectuées sur les autres habitats du second âge du Fer en Armorique, où l’on a pu conclure à l’utilisation presque exclusive d’arbres de haies, donc de milieu ouvert. Une évolution est perceptible aussi dans leur mise en œuvre : à la phase 1 les poteaux sont circulaires et sont refendus lorsque leur diamètre est supérieur à 20 cm. Aux phases suivantes, ils sont équarris et arrivent sans doute sur le site taillés aux dimensions souhaitées. En effet, les fondations d’une même construction ont désormais des niveaux d’implantation similaires. Les rares pièces de charpente retrouvées, toutes en chêne, sont parfois traversées par des mortaises rectangulaires. On note aussi la présence de planches et peut-être d’un bardeau. Sur les 145 kg d’argile rougie recueillis, 11 kg portent l’empreinte de clayonnages. Certains fragments présentaient encore, sur une face, un enduit blanc épais de 2 mm, sans doute du kaolin comme il en a été identifié sur les sites gaulois de Pluguffan / Keriner (Menez 1988 : 118), Quimper /Kergolvez, Prat / Pouilladou (Bardel 1986) ou St-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains (Maguer 2015 : 28). D’autres fragments, retrouvés en grand nombre dans les décombres de l’incendie, sont sans équivalent dans la région : ce sont des blocs d’argile de 15 cm d’épaisseur lissés au moins sur une face, dans la masse desquels on voit des brins de paille presque parallèles [fig. 285]. Tomographie et imagerie 3D ont permis d’observer qu’ils étaient intimement combinés avec l’argile [fig. 286]. La terre était donc très liquide et a sans doute été appliquée sur une surface horizontale. Plus qu’à un faîtage (car cette technique n’est pas celle des couvreurs traditionnels de Bretagne), on pense à des plafonds légers, peut-être destinés à séparer deux étages. Pour ce qui est des clôtures, durant la phase 1 le site se présentait comme une vaste exploitation agricole ceinte de talus comme l’on en voit sur la plupart des fermes gauloises dans la région [fig. 287]. À la phase 2, un petit rempart, quatre tours portières et deux tours d’angle marquent la monumentalité du nouvel habitat [fig. 289]. La verticalité affirmée de ces ouvrages leur permet de dominer les territoires avoisinants. En revanche, leur utilisation à des fins défensives paraît malaisée : les portes, trop nombreuses pour une superficie si réduite, peuvent être défoncées au bélier, et les tours d’angle ne flanquent pas le rempart. Tout semble basculer durant la phase 3 : le cœur de l’habitat est protégé par deux lignes concentriques de remparts dont les fossés, au profil triangulaire parfait, atteignent 7,50 m à l’ouverture et 4,50 m de profondeur. Trois des quatre portes d’accès sont condamnées et l’avant-cour constitue désormais un réel ouvrage avancé. L’arasement du rempart intérieur de cette double enceinte à la phase 4 pourrait résulter d’une volonté d’améliorer la fonction résidentielle de l’habitat après l’incendie, au détriment de sa valeur défensive. La création d’une vaste basse-cour protégée par un fossé large de 6 m, lui-même doublé d’un rempart à poutres verticales large de près de 4 m, pondère cette hypothèse. D’autant que la seule porte fouillée est dominée par une tour encadrée de deux ailes rentrantes [fig. 290]. À la phase 5, une nouvelle enceinte redonne au cœur de l’habitat des capacités défensives supérieures à celles dont il disposait à la phase 3. Deux accès sont créés au nord et au sud. Leur tracé complexe, avec ponts et chicanes, montre la priorité donnée au contrôle des portes. Vers le milieu du ier s. av. J.-C., une seconde phase de travaux comprend l’implantation de palissades de part et d’autre des portes et le renforcement de celle du sud par la construction d’une tour. Le rempart de la basse-cour est repris, son front est légèrement incliné et il est armé par un réseau de poutres entrecroisées. En définitive, les clôtures de la phase 5 sont comparables, par leur morphologie et leur ampleur, à celles des rares oppida de la région [fig. 288].Basse-cour incluse et mis à part les greniers et entrepôts, vingt bâtiments ont été mis au jour [fig. 291]. Parmi eux, les maisons successives étonnent par leurs dimensions. La surface de la première est estimée à 410 m2, alors qu’elles font généralement entre 20 et 60 m2 (Menez et al. 1990), 160 m2 au maximum [fig. 292]. Elle est remplacée durant les phases 2 et 3 par une demeure de 13,75 × 8,50 m, elle-même reconstruite et agrandie après l’incendie. Fait remarquable : durant toute l’histoire du site, la maison se situe toujours le long de la clôture ouest, sa façade ouvrant à l’est, en direction de la cour. Deux autres édifices sont notables. Le premier a abrité une écurie dans son aile ouest. Sans doute s’agit-il d’un « ensemble sur cour » (Chartier-Le Floch 2010 ; Allen et al. 2012) [fig. 293]. Le second est un espace non couvert de 35 × 20 m fermé par une enfilade de quatre poteaux, comparable à celui de Corent (Puy-de-Dôme) [fig. 294]. Faut-il y voir un lieu d’assemblée comparable au bouleuterion grec de Glanum (Poux-Demierre 2015 : 632, 636-639) ? Au cours des trois premières phases de l’occupation, on trouve dans la résidence des constructions souterraines ou semi-enterrées, fait habituel dans la région entre le vie et le iiie s. av. J.-C. L’un des intérêts du site est d’avoir révélé la diversité de leur mode de construction [fig. 295-296] et la variabilité de leur implantation. La fonction de ces souterrains a suscité de multiples hypothèses depuis le xixe s. Les fouilles réalisées sur des sites d’habitat en ont fait apparaître le long des clôtures ou à proximité des bâtiments. Leur structure, très semblable à ce que l’on peut observer un peu partout des deux côtés de la Manche à l’âge du Fer [fig. 297] et jusqu’en Irlande au Moyen Âge [fig. 298], rappelle les systèmes de défense passive mis en œuvre par les populations paysannes ou les petites seigneuries médiévales et modernes pour lutter contre les pillards (Triolet, Triolet 2003 : 10). Leur grand nombre dans la péninsule Armoricaine entre le vie et le iie s. av. J.-C. montre que le phénomène a profondément marqué la société rurale (Bossard et al. 2018 : 356-358), à moins qu’il ne s’agisse d’un mode original de conservation, des laitages par exemple, que l’on suppose abondants dans ces régions traditionnelles d’élevage. La nécessité de disposer de tels lieux devait être suffisamment impérieuse et durable en tout cas pour justifier leur aménagement. À l’issue de l’incendie du début de la phase 4, le système est subitement modifié.On conserve non plus sous terre mais dans des bâtiments édifiés à l’abri de la longue enceinte qui protège désormais la résidence [fig. 299]. Ce passage, vers -175, du stockage souterrain au stockage aérien, participe d’un phénomène général qui peut traduire la diminution de l’élevage au profit de l’agriculture.Le site domine les sources pérennes de Saint-Symphorien, qui ont certainement contribué à son approvisionnement en eau par portage. Mais il existait aussi un système de récupération et de stockage dans des citernes, installées sous la maison à la phase 1 puis creusées dans la masse des remparts durant les phases 2 à 4, peut-être pour faciliter l’écoulement gravitaire de l’eau dans un tuyau [fig. 300]. Durant la phase 5, les citernes ont été abandonnées au profit d’un puits aménagé sur un point haut. Particulièrement profond, celui-ci permettait de disposer d’une provision journalière d’environ 3 m3 qu’il fallait remonter sur plus de 18 m. Une machine en chêne qui paraît avoir été équipée d’une bielle pourrait avoir facilité la remontée des seaux. Ce dispositif technique particulièrement remarquable a pû être inspiré par des techniques minières mises en œuvre à proximité (cf. infra, chap. 10).Si la résidence reste constante dans sa superficie durant les cinq siècles de son occupation, elle connaît d’importants changements dans son organisation. À l’enclos curviligne d’origine, qui réunissait en son sein la maison et ses annexes, succède un enclos bipartite qui organise la vie de la maisonnée en deux espaces séparés, avec une cour résidentielle où vit une famille assise sur ses biens, et une avant-cour abritant ceux qui sont chargés de l’entretien et de l’exploitation. Ce cloisonnement, traduction d’une verticalisation de la société, ne fera que s’accentuer jusqu’à l’abandon du site. Stone was widely used in the constructions at Paule: First, sandstone, in the form of rubble to face the embankment (Phase 1) and the lower part of the ramparts (following phases), followed by schist to pave and cover the gutters and drains. But the main construction material was wood. Seventeen wood species were identified [tabl. xiv], clearly dominated by Quercus sp., followed by Coryllus avellana, Alnus sp., Genista sp., Cytisus sp. and Ulex sp. In Phase 1, alder trunks from humid zones were used, along with oak trunks from scarcely wooded areas. Inversely, in phases 4 and 5, oaks grew in a unique ecosystem of dense forest [tabl. xv; fig. 284]. This contradicts observations made at other Second Iron Age settlements in Armorica, where researchers concluded that hedge trees, thus from an open environment, were almost exclusively used. A change is also perceptible in their manner of use: in Phase 1, the posts are circular and split when their diameter is greater than 20 cm, while in the following phases, they are square and probably arrived at the site already cut to the desired sizes. In effect, the foundations of a single construction now have similar installation levels. The rare frame elements found, all in oak, are sometimes traversed by rectangular grooves. Boards, and perhaps a shingle, are also present.Within the 145 kg of reddish clay collected, 11 kg bear imprints of wattle. Some fragments still bore, on one face, a white coating, 2 mm thick, which is likely kaolin, like that identified at the Gallic sites of Pluguffan / Keriner (Menez 1988: 118), Quimper /Kergolvez, Prat / Pouilladou (Bardel 1986) and Saint-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains (Maguer 2015: 28).Other fragments, found in numerous quantities in the ruins of the fire, are unique in the region: these are 15 cm-thick clay blocks, smooth on at least one face and containing nearly parallel straw strands in the mass [fig. 285]. Tomography and 3D imagery revealed that they were closely combined with clay [fig. 286]. The earth was thus very liquid and was probably applied on a horizontal surface. More than a roof ridge (since this technique is not practiced by traditional roofers in Brittany), we imagine light ceilings, perhaps to separate two floors. Concerning the fences, during Phase 1, the site consisted of a vast agricultural exploitation enclosed with embankments, such as those observed at most of the Gallic farms in the region [fig. 287]. During Phase 2, a small rampart, four door towers and two corner towers affirmed the monumentality of the new settlement [fig. 289]. The pronounced verticality of these constructions enabled them to dominate over the neighboring territories. On the other hand, their use for defense purposes appears to have been inefficient: the doors, too numerous for such a small surface area, could be broken open with a battering ram, and the corner towers did not flank the rampart. Significant changes seem to have occurred in Phase 3: the heart of the settlement was protected by two concentric lines of ramparts whose ditches, with a precise triangular section, reached 7.50 m at the opening and 4.50 m in depth. Three of the four access doors were permanently closed and the forecourt then comprised a true advanced construction. The levelling of this double rampart in Phase 4 could reflect a desire to improve the residential function of the settlement after the fire, to the detriment of its defensive capability. The creation of a vast farmyard, protected by a 6 m wide ditch, itself coupled with a rampart with vertical beams and nearly 4 m wide, supports this hypothesis. In addition, the only door excavated is dominated by a tower framed by two receding wings [fig. 290]. During Phase 5, a new enceinte revived the defensive capacities of the heart of the settlement, making them superior to those of Phase 3. Two accesses were created to the north and south. Their complex placement, with bridges and chicanes, shows the priority given to the control of the doors. Toward the middle of the 1st c. BC, a second construction phase included the installation of palisades from one door to the other and the reinforcement of the southern door by the construction of a tower. The farmyard rampart was reconfigured, its eastern front being inclined, and it was armed with a network of crisscrossed beams. Ultimately, the morphology and amplitude of the enclosures of Phase 5 became comparable to those or the few oppida in the region [fig. 288].Including the farmyard, and excluding the lofts and storehouses, twenty buildings have been excavated [fig. 291]. Among them, the dimensions of the successive houses are astonishing. The surface area of the first one is estimated at 410 m2, while they generally equal between 20 and 60 m2 (Menez et al. 1990), and 160 m2 at most [fig. 292]. The 410 m2 house was replaced during phases 2 and 3 by a 13,75 × 8,50 m residence, itself reconstructed and enlarged after the fire. It is remarkable that throughout the history of the site, the house has always been located along the western fence with its façade facing east, in the direction of the courtyard. Two other edifices are notable. The first contained a stable in its western wing. It is like an “ensemble in a courtyard” (Chartier-Le Floch 2010; Allen et al. 2012) [fig. 293]. The second is a non-covered space measuring 35 × 20 m and closed by a row of four posts, comparable to that of Corent [fig. 294]. Could this be an assembly location similar to the Greek bouleuterion at Glanum (Poux-Demierre 2015: 632, 636-639)? During the first three occupation phases, the residence was accompanied by underground or semi-buried constructions, which is common in the region between the 6th and 3rd c. BC. One of the interests of this site is that it revealed the diversity of their construction modes [fig. 295-296] and the variability of their installation. Since the 19th c., many hypotheses have been proposed to explain the function of these souterrains.The excavations made at settlement sites have revealed their locations along fences or near buildings. Their structure, very similar to what has been observed in many places on both sides of the English Channel during the Iron Age [fig. 297] and up to Ireland during the Middle Ages [fig. 298], recalls the passive defense systems created by the rural populations and small medieval and modern lordships for protection from pillagers (Triolet, Triolet 2003: 10). Their large number on the Armorican peninsula between the 6th and 2nd c. BC shows that the phenomenon profoundly marked the rural society (Bossard et al. 2018: 356-358), unless they correspond to an original preservation method, such as for dairy products, which we assume were abundant in these traditional breeding regions. In any case, the need to have such locations must have been sufficiently imperative and longstanding to justify their construction. Following the fire at the beginning of Phase 4, the system was suddenly modified. Goods were no longer preserved underground, but in buildings constructed in the shelter of the long enceinte that then protected the residence [fig. 299]. This passage (circa -175), from underground storage to above-ground storage, was part of a general phenomenon that could represent the decrease in animal breeding and increase in agriculture.The site overlooks the permanent springs of Saint-Symphorien, which likely contributed to its water procurement via human transport. But there was also a system to collect and store water in cisterns installed under the house in Phase 1 and then dug into the mass of the ramparts during phases 2 to 4, perhaps to facilitate the gravitational flow of water in a pipe [fig. 300]. During Phase 5, the cisterns were abandoned for a well installed at a high point. This deep well provided a daily volume of approximately 3 m3 that had to be drawn up more than 18 m. An oak machine that appears to have been equipped with a connecting rod could have facilitated the raising of the buckets. This remarkable technical device may have been inspired by the mining techniques used nearby (cf. infra, chap. 10).Though the surface area of the residence remained the same during its five centuries of occupation, its organization significantly changed. The original curved enclosure, which contained the house and its annexes, was followed by a bipartite enclosure that organized life at the house into two separate spaces, with a residential courtyard occupied by a family on their own property, and a forecourt inhabited by those responsible for its maintenance and exploitation. This separation, reflecting the verticalization of the society, would be continually accentually accentuated until the abandonment of the site. |