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Cet article étudie deux lettres envoyées par le chef de la famille des Kunta de l’Azaouad, al-Muḫtār al-Ṣaġīr al-Kuntī (m. 1847), à Aḥmad Lobbo (m. 1845) au moment de l’expansion de l’imamat de Ḥamdallāhi vers la Boucle du Niger dans les années 1830. Il s’agit de sonder comment la science du droit en Islam (fiqh) devient un moyen de communication politique puissant qui intervient directement dans les relations de pouvoir. J’analyse, d’un côté, la mobilisation des mécanismes contractuels du fiqh dans la gestion des rapports conflictuels entre groupes lignagers. De l’autre, je me penche sur le phénomène d’une « judiciarisation » du fait étatique perceptible dans les deux lettres. Al-Muḫtār al-Ṣaġīr appréhende la mainmise de Ḥamdallāhi sur la région de Tombouctou essentiellement à travers une grille de lecture forgée par les juristes musulmans après le xe siècle pour penser les fondements institutionnels de l’ordre public, à commencer par la judicature (al-qaḍāʾ). En explorant cette dimension performative du discours lettré musulman, j’espère proposer de nouvelles pistes de réflexion sur les dynamiques d’appropriation de modèles culturels issus de l’héritage littéraire arabo-islamique qui travaillent en profondeur les sociétés de l’espace sahélo-saharien à partir du xve siècle. This article examines two letters sent by the head of the Kunta family in the Azaouad region, al-Muḫtār al-Ṣaġīr al-Kuntī (d. 1847), to Aḥmad Lobbo (d. 1845) at the time of the Ḥamdallāhi imamate’s expansion into the Niger Bend during the 1830s. The aim is to investigate how the science of law in Islam (fiqh) acts as a versatile tool of political communication that intervenes directly in local power relations. On the one hand, I analyze how Islamic contractual mechanisms affected the management of conflictual relations between lineage groups. On the other, I shed light into a more global process of juridification of politics in the region perceptible in both letters. Al-Muḫtār al-Ṣaġīr envisions Ḥamdallāhi’s conquest of the Niger Bend essentially through a conceptual framework forged by Muslim jurists after the tenth century to lay down the institutional foundations of public order, beginning with the judiciary (al-qaḍāʾ). By exploring this performative dimension of Muslim scholarly discourses, I hope to provide new insights into the question of how the spread of Islamic law and literacy reconfigured social, cultural, and political interaction in post-1400 Sahelo-Saharan societies. |