Popis: |
Cet article fait appel à la théorie queer (Butler, Preciado, Halberstam) pour proposer une analyse du Fol marbre de Dennis Cooper, en poursuivant l’hypothèse que le roman vise à révéler les mécanismes d’édification des normes identitaires et sexuelles. Pour ce faire, je montre que le roman de Cooper questionne le lien entre le genre et le monstre : le monstre, à la manière du genre, est dans Le fol marbre le fruit d’une fabrication culturelle et discursive, fabrication que le texte nous permet de saisir comme telle, en explorant les différents dispositifs sexuels et culturels qui la produisent. Le monstre qui narre Le fol marbre est construit à l’intersection de caractéristiques économiques, raciales et criminelles, de comportements ou de désirs sexuels frappés d’un interdit social qui servent à composer son abjection fictive. Le roman coalise ainsi certains changements importants dans l’imaginaire contemporain du monstre, dont l’histoire est esquissée par Jack Halberstam dans Skin Shows: Gothic Horror and the Technology of Monsters. Les incarnations contemporaines du monstre dans la fiction marqueraient, selon Halberstam, un changement quant à la fonction sociale de la figure. Plutôt que d’unir, comme à l’époque victorienne, sous son masque grimaçant différents éléments qui menacent la culture dominante afin de protéger celle-ci en identifiant le monstre comme son envers, son extérieur, son Autre absolu, le monstre contemporain se caractériserait par son rapprochement, sa proximité avec l’humain et avec la norme. Le narrateur/monstre du Fol marbre fonctionne comme un instrument narratif servant à critiquer la culture dominante plutôt qu’à en affermir les assises. Le monstre lui-même ainsi que les actes immondes qu’il commet sont rendus possibles en raison de la marginalité ultra-permissive dans laquelle se trouve ce personnage ultra-riche. Dans le Fol marbre, c’est un dérapage du monde social qui produit le monstrueux, et non l’inverse. Ce passage du monstre vers le dominant s’accompagne d’actions et de désirs exorbitants, connotés comme abjects dans le récit et qui visent à ébranler la notion classique du sujet, et par là même un ensemble de binarismes qui fondent son projet. Le fol marbre, plutôt que de proposer un modèle stable du monstrueux, lui substitue une conception productive, générative s’apparentant à la conception butlérienne du genre. Le monstre chez Cooper est le fruit d’un processus de fabrication qui l’institue comme tel à la fois dans la diégèse et dans le texte. Par le fait même, le roman menace les limites autrefois stables du monstrueux : si on ne naît pas monstre, on le devient, personne n’est à l’abri de ce devenir-monstre qui hante Le fol marbre. Pas même le lecteur ou la lectrice. This article uses queer theory (Butler, Preciado, Halberstam) to analyse Dennis Cooper's The Marble Swarm, and shows how that the novel reveals the mechanisms of edification of sexual norms. In fact, Cooper's novel questions the link between gender and monster: the monster, just as gender, is exhibited as a cultural and discursive production, through the exploration of the sexual and cultural devices that produce it. The monster who narrates the novel is built at the intersection of socially prohibited economic, racial and criminal behaviors and sexual desires, which compose his fictional abjection. The novel therefore testifies to some important changes in the contemporary imagination surrounding the monster. According to Halberstam in Skin Shows: Gothic Horror and the Technology of Monsters, contemporary fictional incarnations of monsters herald a change in the representation of the figure. When the Victorian monster embodied everything that threatened the dominant culture in order to protect it, the contemporary monster is characterized by its proximity to the human and to the norm. Thus, the narrator/monster of The Marble Swarm functions as a narrative instrument that criticises dominant culture rather than strengthening it. The monster and its actions are made possible thanks to the over-permissive, marginal space the wealthy narrator was born into. The Marble Swarm rather than offering a stable model of the monstrous coins a generative conception of it similar to the Butlerian concept of gender. Cooper’s monster is the result of a manufacturing process that establishes it as such in both the diegesis and the text. Through the same strategy, the novel threatens the once stable limits of the monstrous: one is not born but rather becomes a monster, and no one is safe from this becoming-monster that haunts The Marble Swarm. Not even the reader. |