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Les carrières délinquantes des femmes dans l’usage et la revente de drogues ont moins été analysées que celles des hommes en France. Le genre a peu été questionné par les recherches sur l’usage-revente, alors même que les interpelés par la police pour Infraction à la Législation sur les Stupéfiants sont essentiellement des jeunes hommes précaires et racisés et que les usages de drogues se féminisent. Cet article analyse les trajectoires de femmes insérées socialement dans l’usage-revente en s’intéressant à leurs vulnérabilités et capacités d’agir, tant dans leurs relations avec la police qu’avec les hommes consommateurs et vendeurs de drogues, à Bordeaux. Les résultats présentés reposent sur 27 entretiens réalisés avec des usagères-revendeuses, 12 entretiens réalisés avec des usagers-revendeurs et 11 entretiens effectués avec des policiers et une magistrate. Dans le milieu étudié des ventes et des usages, les femmes sont décrédibilisées, considérées comme inaptes à la violence, sexualisées et fréquemment victimes de tentatives d’escroquerie et de violences. Elles peuvent cependant retirer des capacités d’agir de cette stigmatisation genrée, en tirant profit de stéréotypes de douceur et de fiabilité liés à une forme de sexisme bienveillant pour se constituer une clientèle, ou en mobilisant leur sexualisation pour obtenir des produits gratuits ou moins cher. Leur discrétion face à la police constitue également une ressource centrale. Les policiers, mus par un impératif managérial d’efficacité, interpellent en effet essentiellement des jeunes hommes racisés. Les femmes sont moins soupçonnées, mais aussi moins contrôlables du fait de la faiblesse des effectifs féminins au sein de la police. Les usagères-revendeuses sont conscientes des critères qui orientent les profilages policiers, et elles les mobilisent pour diminuer les risques répressifs, notamment en performant leur genre. Le genre agit ainsi comme une matrice de sélection dans la sanction formelle des conduites déviantes. The delinquent careers of women in use and sale of drugs have been less analyzed than those of men in France. Gender has been little questioned by research on social supply, even though those arrested by the police for a drug-related reason are mainly young, precarious and racialized men and drug use is becoming more feminized. This article analyzes the trajectories of socially included women into social supply by focusing on their vulnerabilities and agencies, both in their relations with the police and with men who use and sell drugs, in Bordeaux. The results presented are based on 27 interviews with women who use and sell drugs, 12 interviews with men who use and sell drugs, and 11 interviews with police officers and a magistrate. In the studied environment of drug sale and drug use, women are discredited, considered unfit for violence and sexualized, frequently victims of attempted fraud and violence. They can, however, withdraw agency from this gendered stigma, by taking advantage of stereotypes of gentleness and reliability linked to a form of benevolent sexism to build up a clientele, or by mobilizing their sexualization to obtain free or cheaper products. Their discretion with the police is also a central resource. Police officers, driven by a managerial imperative of efficiency, essentially arrest young racialized men. Women are less suspected, but also less controllable due to the small number of women in the police. Women who use and sell drugs are aware of the criteria that guide police profiling, and they mobilize them to reduce the risks of repression, in particular by mobilizing gender performances. Gender thus acts as a selection matrix in the formal sanction of deviant behavior. |