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Comment expliquer la sous-représentation des queers non blanc·hes dans les milieux militants queer ? Les personnes racisées sont-elles vouées à éternellement passer pour hétérosexuelles sans déclaration claire de leur non-hétérosexualité ? Qu’est-ce que le passage obligatoire du coming out dans une trajectoire non hétérosexuelle a d’excluant en termes de race ? Peut-on mettre en évidence des expériences de vécus non-hétérosexuels spécifiques aux non blanc·hes ? À partir d’une étude qualitative menée auprès de six personnes non hétérosexuel·les et issu·es de la diaspora postcoloniale en France, mes recherches questionnent leur pratique du passing hétérosexuel et ce qu’il traduit du conflit d’allégeance entre race et sexualité auquel ces queer non blanc·hes sont quotidiennement confronté·es. Mes premiers résultats de recherche invitent à remettre en cause le postulat d’un régime de visibilité (homo)sexuel universel ne considérant comme seul légitime qu’un régime de visibilité eurocentré out, ouvert et explicite. Entre invisibilité soumise et visibilité résistante, les enquêté·es défendent un autre régime de visibilité dissident, réservé dans sa démonstration, tacite dans sa déclaration. Et bien qu’il ne soit pas vécu par les enquêté·es comme la preuve d’un rapport frustré à leur (homo)sexualité, leur régime de visibilité est systématiquement considéré par leur entourage queer blanc comme la manifestation d’un dysfonctionnement. Finalement, pour les enquêté·es, ce n’est pas toujours tant contre l’homophobie de certaines de leurs sphères hétérosexuelles racisées qu’il s’agit de se défendre, que contre l’homonormativité de sphères queer largement blanches. Alors même que des groupes se revendiquent queer par résistance à l’homonormativité des groupes LGBT, au sein de ces mêmes mouvements des critères libéraux persistent et nourrissent l’assimilationisme néolibéral : l’injonction à souscrire à une « façon d’être queer » par l’hypervisibilité sans questionner ses normes blanches sous-jacentes en est un. Dans une France postcoloniale peu encline à traiter les conséquences contemporaines de son histoire, et lorsque leurs deux identités sont mises dos à dos, les enquêté·es choisissent ouvertement de protéger leur communauté de race contre les discours homonationalistes et homonormatifs. How can we explain the under-representation of queers of color in our queer activist spaces ? Are racialized people destined to be eternally taken for straight without a clear statement of their non-heterosexuality ? How excluding can be the coming out prerequisite in a non-heterosexual trajectory in terms of race ? Can we bring out specific experiences of non-heterosexual backgrounds for non-white people ? Based on a qualitative study conducted with six non-heterosexual persons with colonial diasporic backgrounds living in France, my research questions the experience of heterosexual/straight passing and what it reveals of the conflicting loyalties between race and sexuality that these queers of color face everyday. My first research results challenge the assumption of a universal (homo)sexual regime of visibility that only considers a eurocentric, out, open and explicit regime of visibility. Between submissive invisibility and resistant visibility, respondents defend another dissenting regime of visibility, reserved in its demonstration, implicit in its declaration. And even though it is not experienced as the proof of a frustrated relationship to their (homo)sexuality by the respondents, their regime (or choice) of visibility is constantly considered by their white queer environment to be the expression of a dysfunction.Eventually, for the respondents, it is not so much the homophobia present in their heterosexual/straight racialized spheres they need to defend themselves from, but rather the homonormativity of the largely white queer ones. Even though claiming to be queer can function as an act of resistance to the homonormativity of LGBT groups, liberal requirements persist within queer movements and feed neoliberal assimilationism, like the injunction to subscribe to a “queer way of being” through hypervisibility without questioning its underlying white standards. In postcolonial France, a country unwilling to deal with the contemporary consequences of its history, when two identities are set back-to-back, respondents openly choose to protect their racial community against homonationalist and homonormative discourses. |