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L’apparition de la revue Cántico à Cordoue, dans les années 1940, constitue un curieux exemple des paradoxes avec lesquels les censeurs nous surprennent parfois, et des astuces et stratagèmes employés par les créateurs pour esquiver une censure terrible, comme celle qui frappa l’Espagne, plus particulièrement durant la première décennie de la dictature franquiste. Les poètes et promoteurs de Cántico ont mis en œuvre un remarquable travail de médiation culturelle et de diffusion de la poésie étrangère, depuis la ville conservatrice et sous-développée qu’était alors Cordoue dans ces années d’après-guerre. La revue littéraire réussit de manière surprenante à déjouer les contrôles de censeurs attentifs aux moindres faux-pas idéologiques et moraux, tout particulièrement en province, et parvint à contourner la surveillance stricte exercée par les gouvernements civils sur la presse et les rares activités culturelles proposées dans les villes provinciales. Dans cet article, nous analyserons le fonctionnement souvent paradoxal et contradictoire de la censure provinciale, en nous intéressant à la présence importante au sein de la revue de poètes étrangers, essentiellement français, censurés et non publiés dans l’Espagne de l’époque. Des figures aussi remarquables qu’André Gide ou Louis Aragon purent ainsi passer inaperçues dans Cántico, une publication prétendument chrétienne et catholique qui, curieusement, avait été créée par un groupe de poètes homosexuels pour la plupart, et presque tous marginaux. |
