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Avec Shéhérazade, l’Occident découvre un Orient qui appartient tout entier au rêve, au conte. D’abord parce que les origines du texte demeurent obscures et que les contes des Mille et Une Nuits ne furent connus que très progressivement, à travers tout un feuilleté de textes découverts, d’ajouts, de traductions et d’éditions successives, dont les titres eux-mêmes changèrent au gré des éditeurs, reflétant plus les perceptions occidentales des contes que leur teneur même. Ensuite parce que Shéhérazade, dont le récit cadre lance et justifie l’ensemble des Mille et Une Nuits, est elle-même l’archétype de la conteuse, qui parvient à suspendre indéfiniment la sentence de mort en tenant le roi sanguinaire en haleine. La technique dilatoire du conte devient ainsi apprentissage du désir - désir d’en savoir plus, désir d’entendre l’histoire, mais aussi désir de la femme. La position même de Shéhérazade fluctua aussi au gré du contexte éditorial, entre dangereuse Orientale vengeresse et victime soumise prête à se laisser immoler, telle qu’elle apparaît dans les lectures revues et corrigées par la pruderie de l’Angleterre victorienne. Au fil de ces redéfinitions, la Judith orientale fit place à la chrétienne martyre, et l’Orient se trouva tout simplement assimilé à la pensée occidentale. |