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Au sortir de l’âge féodal, les cours royales et princières constituent un phénomène européen à contenu politique, social et culturel : monopolisation du pouvoir au profit d’un seul, rassemblement d’un groupe d’individus autour du souverain et de sa famille (princes, courtisans, officiers des maisons domestiques et militaires), développement d’une sociabilité et d’un mode de vie spécifiques, rythmés par le cérémonial, la recherche de l’ostentation et les divertissements. Ces cours sont aussi nombreuses et diversifiées que les dynasties qui sont à leur tête ; néanmoins, certaines acquièrent une valeur normative, comme la cour de Bourgogne au XVe siècle ou les cours italiennes au XVIe siècle. Au XVIIe et plus encore au XVIIIe siècle, c’est la cour française des Bourbons, en particulier celle de Louis XIV, qui tend à prendre valeur d’archétype : à partir d’une réalité vue et vécue par les contemporains des rois de France, se construit un imaginaire qui travaille longtemps les monarchies européennes, jusqu’à la disparition de la majorité d’entre elles au début du XXe siècle, alors même que les configurations politiques changent, allant du partage du pouvoir avec les assemblées à l’instauration de républiques.Les deux éléments contradictoires mais complémentaires qui caractérisent l’idée de mythe – le réel et la reconstruction du réel – trouvent, dans le cas français, leur incarnation la plus aboutie à Versailles. À la fois espace royal, mode de gouvernement et formation sociale, Versailles est une formulation architecturale, administrative et spectaculaire du pouvoir « absolu » associé à la figure de Louis XIV. L’objectif du programme « Identités curiales et le mythe de Versailles en Europe : perceptions, adhésions et rejets (XVIIIe-XIXe siècles) », que viennent clore ce colloque et ses actes, est d’analyser le modus operandi de ce mythe de Versailles dans l’Europe monarchique des XVIIIe et XIXe siècles.Deux questions fondamentales doivent alors être posées : comment l’imaginaire suscité par Versailles auprès des contemporains qui ont fréquenté la cour sous l’Ancien Régime, puis des visiteurs venus aux XIXe et XXe siècles, s’est-il élaboré et en quoi consiste-t-il ? Et dans un mouvement de réciprocité, comment cet imaginaire a-t-il pu se mettre en œuvre dans les cours d’Europe, avec toutes les nuances possibles, allant de l’imitation au rejet en passant par la simple adhésion ? L’enjeu est ici donc double : cerner comment les différents aspects propres à l’identité de Versailles ont pu nourrir un imaginaire, mais aussi saisir la manière dont cet imaginaire a pu susciter d’autres réalisations – architecturales, rituelles, politiques. |