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Ce chapitre vise à analyser les trajectoires de la charité islamique en Tunisie au prisme des transformations socio-politiques qui ont traversé le pays depuis la nationalisation des awqāf (propriétés religieuses) après l’indépendance en 1956. L’expression « charité islamique » fait ici référence à l’émergence du mouvement islamiste tunisien dans les années 1960 et aux pratiques caritatives qualifiées génériquement par ses militants comme « le bien » (al-khayr), en opposition au monopole de la religion et de la charité de la part de l’État. Comparée à d’autres pays du monde arabe, l’évolution de la charité religieuse en Tunisie obéit à des logiques singulières. En 2011, la chute du régime de Ben Ali a permis aux acteurs qui étaient exclus auparavant d’élargir considérablement leurs ressources matérielles et symboliques. Parallèlement à la légalisation des partis politiques, les associations sont ainsi devenues de nouveaux espaces d’engagement, et ce notamment grâce au décret-loi no 88 de 2011 qui facilite les procédures administratives pour la création des structures associatives. Par conséquent, un grand nombre d’associations de prédication ou bien de charité a été créé par les militants du Harakat Ennahdha – parti issu du Mouvement de Tendance Islamique, connu comme la branche tunisienne des Frères musulmans. Il s’agit ainsi de montrer l’hybridation des modèles de référence du travail associatif, en mettant en relation les activités et la mise en réseau des associations avec les dynamiques sociales et politiques dans lesquelles elles sont impliquées à partir de 2011. Ce faisant, mon analyse met au jour un processus de transformation de la charité islamique tunisienne vers un nouveau modèle de gestion néolibérale du social, qui renvoie à une reconfiguration du rôle de l’État. |