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En 2020, le peuple suisse est invité à se prononcer sur la décision du Parlement d’étendre la loi antiraciste aux actes homophobes. Ce référendum est le fait de l’Union démocratique fédérale, une micro-formation politique d’inspiration évangélique, qui a fait campagne contre le changement législatif en invoquant la « liberté de conscience » et le péril de « censure ». Ce cas offre un éclairage particulier sur le concept de croisade morale, emprunté à la sociologie des problèmes publics, et ici mis en regard d’une conception deweyenne du public. La croisade est appréhendée au prisme de l’embarras qu’est susceptible de rencontrer une parole religieuse qui prétend compter dans les débats politiques contemporains. L’enquête met à l’épreuve l’impératif de traduction proposé par les théories post-séculières, une notion qui vise à élucider les conditions auxquelles les voix des acteurs religieux doivent se conformer afin de peser sur les délibérations démocratiques dans des contextes sécularisés. L’analyse fait apparaître que cette traduction constitue un critère insuffisant pour désamorcer le rapport absolutiste que la croisade noue vis-à-vis des valeurs qu’elle promeut. Ces valeurs procèdent en réalité d’une double détermination : souvent rapportées à un fondement surnaturel, elles sont fixées à l’avance, et visent à protéger le statut symbolique, à visée hégémonique, qu’un groupe particulier – ici des chrétiens conservateurs – occupe au sein de la société. |