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En février 1739, le journal du Lancashire annonçait qu’une loge de ‘maçons’ venait de se constituer à Cold-Bath Fields ; leur nombre est déjà monté jusqu’à neuf-cents membres et on y accueille les hommes aussi bien que les femmes qui sont appelées ‘sœurs’. La loge tient réunion tous les soirs, mais celle du dimanche est la plus importante. La loge est gouvernée par un Grand Maître et par un Surveillant. Cette loge apparaît comme l’une des premières manifestations de sociétés mixtes au dix-huitième siècle, et pourtant elle n’a pas retenu jusqu’ici l’attention des chercheurs. Le présent article développe les éléments qui attestent toujours son existence à cette époque : annonces de réunions dans les journaux de Londres, détails des recettes de représentations que la loge parrainait dans les théâtres londoniens, une gravure représentant une réunion et un chant de la société. Le fait que la loge avait son lieu de réunion dans un obscur jardin d’agrément de Cold-Bath Fields incite à penser que ses membres n’appartenaient pas à l’élite et que l’on avait affaire à un phénomène strictement local londonien. Mais, ce qui est étrange, c’est que l’image que l’on retient en rassemblant tous ces éléments est celle d’une association mixte (para)maçonnique dont les activités font écho à d’autres éléments majeurs que l’on trouve ailleurs en Europe dans les manifestations de groupes maçonniques du même genre. Ainsi, l’accent que met la loge sur la convivialité, en se réunissant tous les soirs, laisse transparaître un élément libertin que l’on rencontre dans les sociétés françaises bachiques, tel l’Ordre de la Félicité et ses précurseurs à partir du milieu desannées 1730 ; sa devise, Que l’honneur préside, est un écho à cet appel à la Vertu qui était celle des Mopses de Vienne et dont les activités remontent à 1738 ; l’imagerie bucolique de la rhétorique de la loge et ses éléments chevaleresques androgynes se retrouvent également chez les Ermites aristocrates de la Bonne Humeur, aussi fondé en 1739 en Allemagne ; et il apparaît qu’il existe un lien fort avec le théâtre, de même qu’avec la Loge de Juste fondée en Hollande vers 1751. Jusqu’à ce jour on n’a pas trouvé de documents précisant le rituel de cette loge de Londres dont les activités semblent avoir cessé au milieu des années 1740 à partir desquelles on ne trouve plus aucune référence la concernant. |