Mettre en marché les peurs urbaines : le développement des « safe cities » numériques

Autor: Picaud, Myrtille
Přispěvatelé: Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS), École des Ponts ParisTech (ENPC)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Gustave Eiffel, Centre d'études européennes et de politique comparée (Sciences Po, CNRS) (CEE), Sciences Po (Sciences Po)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Fondation des Sciences Sociales, Claudia Senik
Jazyk: francouzština
Rok vydání: 2021
Předmět:
Zdroj: Sociétés en danger
Claudia Senik. Sociétés en danger, La Découverte, pp.139-156, 2021, ⟨10.3917/dec.senik.2021.01.0139⟩
Popis: International audience; In Nice, Marseille, Saint-Étienne and Valenciennes, digital security projects for cities are being developed, often referred to as “safe cities”. The digital devices are diverse and designed to protect urban spaces: so-called "smart" CCTV, where algorithms scan pictures to signal crowd movements, violence, intrusions; “hypervision” platforms, which cross-analyze municipal and national files; online big data to prevent crimes; connected law enforcement, etc.Until now, these digital security devices have been analyzed through a lens emphasizing the risk they pose to civil liberties, with an increased surveillance of the whole population. I suggest their development can be studied from the angle of the construction of a market. Who benefits from crime control? First of all, my research shows how private firms, multinationals as well as start-ups, invest this market, coming from traditional video surveillance, defense, but also digital services. Nevertheless, the construction of this market is also supported by public authorities, at the local level, in the cities that experiment these projects, but also at the national and European levels, by virtue of this market’s economic growth potential. The analysis of the firms’ products sheds light on how these devices draw on urban targeting, as they are rather intended for city centers, shopping malls, train stations and other central places of intense traffic. This raises questions about the spatial division of control work: is it digital in the centers compared to the presence of police in working-class neighborhoods, or a mixture of both? This research also shows how these devices strongly target street crime - and therefore certain social groups. This excludes other forms of illegality, since the public resources invested do not target financial crime for instance, nor the development of illegal furnished tourist rentals such as Airbnb, which nonetheless destructure local real estate markets. In the end, it is the transformation of our lives in the public space of contemporary cities that this research examines.; À Nice, Marseille, Saint-Étienne ou encore Valenciennes, se développent des projets mobilisant des dispositifs numériques de sécurité, souvent dénommés par les industriels « safe city », dans une relative opacité. Ces dispositifs numériques sont divers et destinés à protéger les espaces urbains : vidéosurveillance dite « intelligente », où des algorithmes d’analyse d’image signalent des mouvements de foule, des violences, intrusions ; plateformes d’hypervision, qui analysent divers fichiers municipaux et nationaux ; big data en ligne afin de prévenir les crimes ; forces de l’ordre connectées, etc.Jusqu’à présent, ces dispositifs numériques de sécurité ont plutôt été analysés à travers les risques qu’ils poseraient aux libertés publiques, par une surveillance accrue de toute la population. Je propose d’analyser leur développement sous l’angle de la construction d’un marché. À qui profite le crime ? Mes recherches témoignent d’abord de l’investissement d’entreprises, des multinationales comme des start-ups, issues en particulier de la vidéosurveillance traditionnelle, de la défense, mais aussi du numérique. Néanmoins, la construction de ce marché est aussi le fait de représentants des pouvoirs publics, à l’échelle locale, dans les villes qui accueillent ces projets, mais aussi nationale et européenne, en vertu de son potentiel de croissance économique. L’analyse de l’offre des entreprises éclaire le ciblage spatial des dispositifs développés, qui sont plutôt destinés aux centres-villes, centres commerciaux, gares et autres lieux de circulation intense. Cela interroge la division spatiale du travail de contrôle : aux centres le numérique et dans les quartiers populaires la présence policière ? Cette recherche témoigne aussi du fort investissement, symbolique et économique, de dispositifs ciblant les délits de rue – et donc certains groupes sociaux –, à l’exclusion d’autres formes d’illégalismes. Les moyens publics investis dans le contrôle ne visent ni la délinquance financière, ni les dévoiements du recours aux locations meublées touristiques type Airbnb, qui pourtant déstructurent les marchés immobiliers locaux. En définitive, c’est ainsi la transformation de nos vies dans les espaces publics des métropoles contemporaines que cette enquête interroge.
Databáze: OpenAIRE