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L’objectif de cet article est de reconstituer le « geste » scientifique de Durkheim (1858-1917) et de Mauss (1872-1950), depuis le premier baccalauréat de Durkheim (1873-1874) , dans le cadre global d’émergence du régime « bio-psycho-sociologique » récemment identifié comme tel (Joly, 2017), né dans le dernier quart du XIXe siècle, et auquel ils ont activement contribué. Ce régime intègre la sociologie comme démarche scientifique, la rapprochant de la psychologie et de la physiologie, et la séparant de la philosophie. De plus, il offre un espace idéal pour comprendre la « totalisation de l’objet et du savoir » (Karsenti, 1995) que visent les deux hommes. Ce processus de totalisation débute par un geste plus intellectuel que scolaire, avec l’obtention de leurs deux baccalauréats chacun, lettres et médecine, Mauss seize ans après Durkheim. Geste qui devient ensuite scientifique, car leur second baccalauréat leur ouvre les portes d’une analogie physiologique, laquelle traverse toute leur œuvre. Geste sociologique enfin, car cette analogie conditionne leur fondation de la sociologie générale : du « germe protoplasmique » comme fait élémentaire, naît un processus social d’évolution et de généralisation, d’intégration et de régulation, jusqu’à nous, fondant une puissante théorie sociologique du symbolisme. Leur résultat est de localiser l’élémentaire du social en lien avec le système nerveux « socialisé », pour souligner finalement l’importance de la dynamogénie, concept physiologique : « la fonction principale de la religion est dynamogénique » (Mauss et Durkheim, 1913), « le croyant peut davantage » (Durkheim, 1912). Les bases d’une double objectivation, de l’irrationalisme supposé d’une part, et d’autre part, de l’inconscient, c’est-à-dire, pour eux, de la conscience collective, sont posées, et autorisent une extension significative de la science par l’activité sociologique. Leur postérité a sous-estimé ces aspects : leur geste reste méconnu, leur analogie, incomprise, leur généralisation, minorée. Pour retrouver, clarifier et renforcer la sociologie générale aujourd’hui, une autre analogie, cognitive, peut s’avérer utile pour contribuer à la reprise du « fil cognitif » perdu de Durkheim et de Mauss. The objective of this article is to reconstitute the scientific “gesture” of Durkheim (1858-1917) and Mauss (1872-1950), from the first baccalaureate of Durkheim (1873-1874) , within the global framework of emergence of the “bio-psycho-sociological” regime recently identified as such (Joly, 2017), born in the last quarter of the XIXth century, to which they actively contributed. This regime integrates sociology as a scientific process, bringing it closer to psychology and physiology, and separating it from philosophy. In addition, it provides a perfect space for the understanding of the “totalization of object and knowledge” (Karsenti, 1995) that the two men aim for. This totalization process begins with an intellectual gesture more than scholar one, with obtaining their two baccalaureates each, letters and medicine, Mauss sixteen years after Durkheim. Gesture which, then, becomes scientific, because their second baccalaureate opens the doors to a physiological analogy, which runs through their entire work. Gesture finally sociological, because this analogy conditions their foundation of general sociology: by the “protoplasmical germ” as elementary fact, a social process of evolution and generalization, of integration and regulation has born, until us, founding a powerful sociological theory of symbolism. Their result is to locate the elementary of the social in connection with the nervous system “socialized”, to underline finally the importance of dynamogenesis, physiological concept: “the main function of religion is dynamogenic” (Mauss and Durkheim, 1913), “the believer can more” (Durkheim, 1912). The bases of a double objectivation, of supposed irrationalism on the one hand, and, on the other hand, of the unconscious, that is to say of, according to them, the collective consciousness, have been laid, and allow a significant extension of science by the sociological activity. Their posterity has under-estimated these aspects: their gesture remains obscure, their analogy, misunderstood, and their generalization, reduced. To refind, clarify and strengthen the general sociology today, another cognitive analogy can be useful to contribute to the recovery of Durkheim and Mauss’ lost “cognitive thread” |