Être en reste face aux résidus nucléaires

Autor: Yoann Moreau, Kyoko Maruyama, Mathias Crémadez
Přispěvatelé: Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC), École des hautes études en sciences sociales (EHESS)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de recherche sur les Risques et les Crises (CRC), MINES ParisTech - École nationale supérieure des mines de Paris, Université Paris sciences et lettres (PSL)-Université Paris sciences et lettres (PSL)
Rok vydání: 2016
Předmět:
Zdroj: Techniques et culture
Techniques et culture, Éditions de la Maison des sciences de l'homme 2016, pp.92-109. ⟨10.4000/tc.7816⟩
ISSN: 1952-420X
0248-6016
DOI: 10.4000/tc.7816
Popis: Parce qu’ils sont invisibles, les résidus nucléaires introduisent une fracture entre savoir et sensation, sensé et sensible, expérimentation et expérience. Par conséquent, ils sont susceptibles d’accentuer la dissonance cognitive inhérente au « Grand Partage » (qui sépare nature/culture, corps/pensée, matières/symboles) et d’accélérer la neutralisation propre au « Petit Mélange » (qui va dans le sens d’une banalisation, d’une normalisation et d’une naturalisation progressives des événements). Tenir compte de cette double menace nous engage à être vigilant quant au maintien du « sens du concret » dans notre traitement des aléas nucléaires. Cela passe, pensons-nous, par une attention redoublée au vocabulaire que nous employons pour les décrire, ainsi qu’aux moyens que nous mobilisons pour les prendre en charge.Nous défendons l’argument que ces résidus ne constituent pas des déchets (ce qui tend à quitter le champ d’action des activités humaines) mais des restes (ce qui tend à quitter le champ d’action du monde vivant dans son ensemble). Tel que nous l’entendrons, un reste traduira une déprise radicale (écologique, technique et symbolique) que nous tenterons de prévenir en étudiant les ressorts de la fabrique du neutre. Quelques terminologies en usage dans les récits des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima – sarcophage, arche, sacrifice, souillure – nous aideront, in fine, à ébaucher des pistes en vue de maintenir l’embrayage du sensible et du sensé, du connoté et du neutre. Pour développer cet argumentaire, nous nous appuyons également sur ce que nous appelons une « culture du subir », dont la présentation fait l’objet des deux premiers points de cet article. Since it is invisible, nuclear residue creates a rift between knowledge and sensation, intellect and feeling, experiment and experience. As a result, it accentuates the cognitive dissonance inherent in the « Great Divide » (between nature and culture, body and thought, matter and symbol) and accelerates the neutralization particular to the « Small Mix » (which leads to the events’ progressive banalization, normalization and naturalization). To counter this double threat, we must remain vigilant to maintain a « sense of the concrete » in our treatment of nuclear hazards. We believe such vigilance leads us to pay greater attention to the vocabulary we use to describe such hazards, as well as to the means we mobilize to deal with them.We defend the argument that this residue is not waste (which tends to leave the field of human activity), but instead remnants (which tend to leave the field of the world’s activity as a whole). As we define them, remnants convey a radical detachment that we will endeavor to prevent by studying the mechanism by which the neutral is manufactured. Some of the terminology used in retelling the catastrophes of Chernobyl and Fukushima—sarcophagus, ark, sacrifice, stain—will allow us, in the end, to explore avenues toward maintaining the connection between feeling and intellect, between the noticed and the unnoticed. To develop this position, we will also rely on the notion of what we call a « culture of enduring », the presentation of which will occupy this article’s first two points.
Databáze: OpenAIRE