Colonisation et civilisation : le cas de la Russie et de la Guyane

Autor: Gianluigi Goggi
Rok vydání: 2015
Předmět:
Zdroj: Outre-Mers. :65-101
ISSN: 1631-0438
DOI: 10.3917/om.151.0065
Popis: Civilization is usually considered as a slow evolution leading from ‘‘ barbarity’’ to the development of a society where "sciences and arts" flourish. This article aims at summing up on the specific concept of civilization as it developed in France in the 1760s and 1770s and is conveyed in the pages of the work Histoire des deux Indes by the Abbot Raynal, to which Diderot closely collaborated. In the books of this work, plans for colonization are described : following some precise steps, these projects might succeed in creating a civilized society. Civilization is properly devised as a political project for the fulfillment of the social and political conditions («propriété et liberté » ) which could lead to the rise of a new type of society. In booksV and XIII of the Histoire des deux Indes are presented the colonization plans as launched by Catherine II within the Russian empire and by the Baron Bessner in the French Guyana : it can be easily noticed that there are no differences between the methods adopted for settling in Eastern Europe (Russia and elsewhere) and those carried out in the American colonies. The analysis of these experiments seems to result in the acquisition of a new temporal notion of the concept of civilization, which totally excludes the short-term success of the process of transformation of complex realities such as Russia or the French Guyana. The connection between colonization and civilization is thus confirmed but not in its strong version (the almighty of the political project) as illustrated in the writings of Abbot Baudeau published in the Éphémérides du citoyen. Rather it is in the weak version which involved ¢ on the one side ¢ the political clash with reality and above all, on the other side, the new historical consciousness according to which the civilization of Europe has been achieved thanks to the human willpower but not as the result of a clear design or project. It all happened as the outcome of a lengthy evolution and "several fitting events and various favourable circumstances" played a fundamental role in this process.
La civilisation est généralement considérée comme une lente évolution qui mène de la «barbarie » à une société où fleurissent les «sciences et les arts » . Cet article vise à faire le point sur une configuration particulière de l’idée de civilisation, telle qu’elle est attestée en France au cours des années 1760 et 1770 et telle qu’elle trouve son expression dans les pages de l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal, ouvrage auquel collabora Diderot. Dans les différents livres de cette oeuvre, sont développés des projets de colonisation qui, à travers des étapes bien définies, peuvent contribuer à créer une société civilisée. La civilisation est conçue comme un projet politique de mise en place des conditions sociales et politiques («propriété et liberté » ) suscitant l’essor d’une société nouvelle. Ainsi, dans les livres V et XIII de l’ouvrage de l’abbé Raynal sont présentés les projets de colonisation lancés par Catherine II dans l’empire de Russie et ceux que le baron de Bessner chercha à réaliser dans la Guyane française. Il n’y a pas de différence, constate-t-on, entre les méthodes de colonisation mises en oeuvre dans les régions de l’Europe (Russie et ailleurs) et celles pratiquées dans les colonies américaines. La prise en compte et l’examen de ces expériences semblent aboutir à une nouvelle conception temporelle de l’idée de civilisation, qui exclut de transformer, à brève échéance, une réalité complexe comme celle de la Russie ou de la Guyane. La relation entre colonisation et civilisation serait donc confirmée, non dans sa version forte (la toute-puissance du projet politique) qu’on peut retrouver dans des articles de l’abbé Baudeau publiés dans les Éphémérides du citoyen, mais dans sa version faible, créée par la confrontation politique à la réalité et surtout par une nouvelle conscience historique selon laquelle la civilisation de l’Europe est bien le produit de l’activité humaine et non pas le résultat d’un projet ou d’un clair dessein des hommes. Tout est plutôt le fruit d’une lente évolution où «plusieurs événements heureux et différentes circonstances favorables » ont joué un rôle fondamental.
Goggi Gianluigi. Colonisation et civilisation : le cas de la Russie et de la Guyane. In: Outre-mers, tome 102, n°386-387,2015. Raynal, les colonies, la Révolution française et l'esclavage. pp. 65-101.
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