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Jean Barbeyrac compte parmi les traducteurs les plus influents du XVIIIe siècle. À travers ses traductions françaises amplement commentées des œuvres de Pufendorf et de Grotius, il a profondément remanié la théorie du droit de la nature et des gens. Cet article montre à l’aide de deux exemples – la liberté de conscience et le droit de résistance d’une part, et la propriété privée de l’autre – comment Barbeyrac problématise la manière dont Pufendorf rend compte du fondement des droits naturels, ainsi que de leur fonction dans la théorie politique. Si Barbeyrac se réfère aux œuvres politiques de Locke pour défendre le droit des citoyens de résister à un gouvernement qui violerait leurs droits inaliénables, ses emprunts à Locke restent ambigus en ce qui concerne le fondement de la propriété privée. En suggérant que les humains, auxquels Dieu aurait donné la Terre en commun, auraient été autorisés par ce dernier à s’approprier les choses nécessaires à leur survie et leur bien-être en vertu d’une loi de simple permission, Barbeyrac brouille la distinction chère à Pufendorf entre droits naturels (qui relèvent directement de la nature humaine) d’une part, et droits acquis (qui dépendent du consentement des personnes concernées) de l’autre. Ces exemples attestent la manière du traducteur de «philosopher dans les marges» (Ph. Hamou). Jean Barbeyrac was one of the most influential translators in the eighteenth century. Through his richly annotated French translations of the works of Pufendorf and Grotius, he profoundly modified the theory of the law of nature and nations. This article focuses on two examples – liberty of conscience and the right of resistance on the one hand, and private property on the other – to show how Barbeyrac takes issue with Pufendorf’s foundation of natural rights and the role they play in his political theory. In the latter context, he relies on Locke’s political theory and defends the citizens’ right to resist a ruler who violates their inalienable rights. Regarding the justification of private property, Barbeyrac’s references to Locke’s labor theory of property remain ambiguous. Unlike Locke, he argues that human beings, who originally owned the earth in common, were authorized by God to appropriate things necessary for their survival and well-being in virtue of the natural law of simple permission. This leads him to blur the distinction firmly established by Pufendorf between natural rights (immediately connected to human nature) on the one hand and acquired rights (which depend on the consent of the concerned persons) on the other. These examples illustrate how the translator “philosophizes in the margins” (Ph. Hamou). |