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L’avènement de Muhammad ‘Alî en Égypte, en 1805, marque dans l’histoire de la circulation des savoir-faire et des compétences en Méditerranée une double rupture : quantitative, parce qu’au cours de ce très long règne (1805-1848) les techniciens venant offrir leurs services à Alexandrie ou au Caire sont beaucoup plus nombreux que par le passé ; qualitative, parce que leur recrutement se fait selon des procédures nouvelles, beaucoup plus institutionnelles, voire politiques, que par le passé et parce que les compétences dont ils sont porteurs se distribuent désormais dans tous les secteurs de l’activité. L’histoire de ces mobilités professionnelles est encore très inégalement connue. L’historiographie, qu’elle soit européenne ou égyptienne, les a surtout abordées dans le cadre d’une théorie de la « modernisation » de l’empire ottoman et a, en conséquence, focalisé son intérêt sur les deux domaines où l’adoption de méthodes ou de techniques européennes étaient le plus visible : l’armement et la réforme militaire, d’une part ; l’enseignement dans les écoles techniques, d’autre part. C’est pourtant dans d’autres domaines que, quantitativement, ces flux ont été les plus importants : celui des professions libérales, d’une part, et plus encore celui des métiers industriels. On se propose ici d’en tenter un bilan provisoire et d’ouvrir quelques pistes nouvelles à partir d’une enquête plutôt centrée sur l’intégration des ouvriers et contremaîtres européens dans les ateliers et manufactures de l’État. In the history of the circulation of know-how and skills in the Mediterranean, Muhammad ‘Alî’s long reign (1805-1848) as governor of Egypt, constitutes a double break: quantitatively, because the number of technicians coming to offer their services in Alexandria or in Cairo is much more relevant than before ; qualitatively, because their recruitment is made according to much more institutionalized procedures and because the skills of the new migrants permeate henceforth all the sectors of activity. European as well as Egyptian historiography often approached this professional mobility within the framework of a theory of “modernization” of the Ottoman empire and focused consequently its interest on the two sectors where the adoption of methods or European techniques were the most visible: the armement and the military reform, on one hand; the education in the technical schools, on the other hand. It is nevertheless in other domains that, quantitatively, these flows were the most important: that of liberal professions, on one hand, and that of the handicrafts and industry on the other hand. This contribution tries to open some new tracks, from an investigation rather centered on the enrolment of European workers and foremen in the State’s factories. |