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En février 1700, alors que la dernière réplique de Measure for Measure vient d’être prononcée, le fantôme de Shakespeare fait irruption sur scène, écumant de rage, pour apostropher dramaturge, comédiens et public lors d’un épilogue vigoureux. La pièce, dont la représentation provoque l’ire de Shakespeare, est une adaptation de Charles Gildon : Measure for Measure ; or Beauty The Best Advocate. L’on s’attachera à analyser les processus et les effets de la dynamique de spectralisation à l’œuvre dans cet épilogue nécromantique. Écrit à la toute fin de la période de la Restauration, le paratexte revient sur quarante années de théâtre restauré après le traumatisme de l’Interrègne puritain. Le spectre de Shakespeare convoque à son tour d’autres spectres, faisant de l’épilogue à la fois une fabrique mémorielle, une zone de négociation entre le médium théâtral, son histoire et sa mémoire, et un espace critique à tous les sens du terme, puisqu’il se définit comme une mise en crise et que s’y ébauche un discours sur les esthétiques dramatiques et scéniques. Enfin, il s’agira de voir dans quelle mesure, en cristallisant la dialectique de l’imitation et de la distanciation, la spectralisation de Shakespeare pose les premiers jalons de la construction du mythe shakespearien qui se développe au xviiie siècle pour devenir bardolâtrie au xixe siècle. In February 1700, as the final cue of Measure for Measure had just been spoken, Shakespeare’s furious ghost barged in onstage to deliver an angry epilogue. The play that had brought down his wrath on the playwright, actors and audience, was an adaptation by Charles Gildon: Measure for Measure; or Beauty The Best Advocate. This essay purposes to study the spectralizing process and its effects at work in the necromantic epilogue. Composed at the very end of the Restoration period, the paratext looks back on forty years of theatrical activity since the reopening of the theatre after the Puritan Interregnum. Shakespeare’s ghost summons other ghosts in his turn, turning the epilogue into a memory machine, a zone of transaction where the theatre medium confronts its history, and a critical space in all senses of the term since the crisis it dramatizes fosters a critical discourse on dramatic and stage aesthetics. Eventually, the essay argues that, by crystallizing the dialectic of imitation and distantiation, the spectralization of Shakespeare laid the first foundations of the Shakespearean myth which developed in the eighteenth century to transform into bardolatry in the nineteenth century. |