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En Turquie, en janvier 2016, 1128 universitaires ont publié une pétition intitulée « Nous ne serons pas complices de ce crime » dont l’intention était de dénoncer les violations graves des droits humains commises lors des opérations militaires menées sous couvre-feu dans le sud-est du pays et d’appeler à la reprise des négociations pour la paix interrompues en 2015. Dès sa diffusion, la pétition a suscité une très forte réaction politique et elle a déclenché une répression étatique inédite contre les signataires. La majorité d’entre eux ont été objet d’enquêtes pénale et administrative, de révocation, de licenciement et de suspension. Certains ont été arrêtés, détenus et ont dû quitter leur poste et leur domicile à cause des menaces. La répression étatique contre les universitaires a en outre été exacerbée par les mesures de révocation massives mises en œuvre à travers les décrets-lois adoptés dans le cadre de l’état d’urgence instauré à la suite de la tentative de putsch militaire en juillet 2016. Des centaines d’universitaires ont été limogés et il leur a été interdit définitivement de travailler dans la fonction publique. Enfin, c’est la justice pénale qui s’est mobilisée contre les Universitaires pour la paix, incriminés pour propagande du terrorisme. Cet article vise à explorer la construction et l’instrumentalisation politique de ces procès pénaux en les inscrivant dans le contexte plus général de la répression étatique visant l’activisme pacifique des intellectuels du pays. Il essaie de démontrer qu’étant dépourvues de fondement juridique et de preuve pertinente, les accusations contre les universitaires visent à criminaliser les voix dissidentes et à réprimer la liberté d’expression politique. L’article montre également comment cet instrument répressif est transformé en un outil de résistance et de contestation du fait de l’appropriation subversive du prétoire par les universitaires persécutés. In Turkey, in January 2016, 1128 academics published a petition entitled « We will not be a party to this crime » whose intention was to denounce the serious human rights violations committed during the military operations carried out under curfew in the southeast of the country and to call for the resumption of peace negotiations interrupted in 2015. Upon its release, the petition provoked a strong political reaction and unprecedented state repression against the signatories. They have been subject to criminal and administrative investigations, dismissal, suspension, detention, and exile. State repression against academics was further exacerbated by massive dismissals under the state of emergency established following the attempted military coup in July 2016. Finally, criminal justice was mobilized against the Academics for Peace, who were charged with terrorist propaganda. This article aims to explore the construction and political instrumentalization of these criminal trials by placing them in the context of state repression of the peaceful activism of the country's intellectuals. It attempts to demonstrate that, lacking legal basis and evidence ; the charges against the academics are aimed at criminalizing dissenting voices and suppressing political freedom of expression. The article also shows how this repressive instrument is transformed into a tool of resistance and protest through the subversive appropriation of the courtroom by the persecuted academics. |