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Introduction La douleur aigue est le premier motif de consultation en urgence. Les etiologies frequentes et graves sont bien connues et leur connaissance permet d’orienter rapidement la prise en charge. Il existe des causes plus rares et moins communes qu’il faut savoir evoquer afin d’orienter rapidement le diagnostic, de limiter les examens complementaires et de proposer un traitement adapte. Observation Nous rapportons le cas d’un homme de 24 ans consultant aux urgences pour des douleurs abdominales aigues (DAA) resistant a une automedication par paracetamol, codeine, nefopam, tramadol, phloroglucinol, esomeprazole dont les doses ne pourront pas etre precisees. Les douleurs etaient diffuses, brutales, tres intenses, irradiant dans les jambes et le dos. S’y associaient des vomissements suivis de deux episodes d’hematemese de tres faible abondance. Ses antecedents etaient : colique nephretique, ulcere gastroduodenal perfore et 2 mois auparavant un accident de la voie publique en voiture, complique d’hematome peri-hepatique, d’une eventration et d’un abces digestif pour lesquels il avait ete realise une laparotomie. Il existait egalement une intoxication chronique au tabac et au cannabis. A l’examen physique, le patient etait apyretique, tachycarde et normotendu. La douleur etait decrite comme insupportable. Il existait une cicatrice abdominale paramediane non suspecte a l’inspection. Le patient ne tolerait pas la position allongee avec une agitation marquee et l’abdomen n’etait pas palpable de fait. Le toucher rectal etait refuse par le patient. Les analyses sanguines montraient une glycemie normale, hemoglobine a 9,6 g/dL, CRP a 57 mg/L ; bilan hepatique, lipasemie, ionogramme et hemostase normaux. La bandelette urinaire n’avait pas pu etre realisee. Malgre l’administration de paracetamol, nefopam, morphine IV, ketamine, protoxyde d’azote, metoclopramide et esomeprazole la douleur restait tres intense. Une echographie abdominale en position assise a ete difficilement realisee, ne retrouvant pas d’anomalies urologique, biliaire, hepatique et splenique. L’exploration le long de la cicatrice de laparotomie n’etait pas possible. Un scanner abdominal injecte sous sedation par propofol et oxygenotherapie aux lunettes a ete realise qui ne montrait pas d’anomalies pouvant expliquer la symptomatologie et quelques opacites pulmonaires basales droites. Finalement devant la consommation avouee ancienne et importante de cannabis il sera evoque un syndrome d’hyperemese cannabinoide (SHC). Le patient a beneficie de « bain de serviettes chaudes », permettant la resolution rapide des douleurs. La surveillance a 12 h montrait une baisse spontanee de la CRP et une hemoglobinemie stable. Le patient a quitte les urgences contre avis medical ne permettant pas d’explorer les autres anomalies constatees. Discussion Le SHC decrit depuis 2004 entraine une errance diagnostic importante du fait de sa meconnaissance : en moyenne 7 consultations durant 9 annees sont necessaires pour que le diagnostic soit evoque. Il fait partie des douleurs abdominales de diagnostic difficile et peut etre confondu avec un syndrome des vomissements cycliques [1] . Il evolue en 3 phases : une phase prodromique, une phase hyperemique et une phase de recuperation avec de nombreuses atypies. Il repond a des criteres diagnostic precis decrit par Simonetto et al. [2] . Les symptomes les plus frequents sont : nausees, vomissements, douleur abdominale [3] . Un element important de la phase hyperemique est la reponse au traitement par application d’eau chaude sur la peau (douche ou bain) ou de capsaicine topique [J.R Richard, 2017]. Au long cours seul le sevrage en cannabis permet d’eviter les recidives et quand cela s’avere impossible un traitement de fond, comme l’haloperidol, peut etre propose. Plusieurs mecanismes physiopathologiques sont intriques et restent encore a preciser. L’effet therapeutique de l’eau chaude releverait de multiples mecanismes : thermoregulation via le systeme hypothalamo-hypophysaire, vasomotricite ; la capsaicine aurait egalement un effet vasomoteur, antiemetique et antaglique. Devant la hausse de la consommation de cannabis en France il est a craindre une augmentation de l’incidence de ce syndrome comme motif de consultation. Conclusion Les consultations pour douleurs, notamment abdominales, font partie du quotidien des medecins. A cotes des etiologies frequentes et graves a evoquer en priorite, il faut savoir reconnaitre des maladies plus rares. Le SHC illustre bien cette difficulte et necessite d’etre connu afin d’eviter les surencheres diagnostique et therapeutique. |