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Cette étude de cas part des controverses publiques suscitées par des projets de loi qui paraissaient menacer la liberté de choix des femmes au cours de la 39e législature du Parlement canadien (3 avril 2006 au 7 septembre 2008). Partant de l'exceptionnelle absence de loi en matière d'avortement au Canada, nous avons observé qu'un statu quo perdurait depuis bientôt vingt ans : l'avortement ne cesse d'apparaître dans les médias et les débats publiques, mais les parlementaires canadiens refusent d'ouvrir le débat sur cette question. Après avoir retracé la décriminalisation de l'avortement au Canada, nous avons trouve que l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés avait permis au législateur d'éviter d'assumer ses responsabilités et avait contraint les tribunaux de décider de l'encadrement de l'avortement. De plus, l'absence de loi oblige d'autres instances, non juridiques, à créer des limites à la pratique de l'avortement. La réticence à discuter de l'absence de loi en matière d'avortement fait aussi en sorte que toutes discussion sur le foetus -- et il semble que ces discussions soient de plus en plus fréquentes -- s'avèrent controversées. Reprenant à notre compte l'idée de Luc Boltanski (2004) selon laquelle l'apparition de l'avortement révèle une contradiction inhérente au processus d'engendrement des êtres humains, ce qui mène au maintien de cette pratique dans l'officieux ainsi qu'à une catégorisation foetale, nous avons observé que cette catégorisation apparaissait à la fois dans les jugements de la Cour suprême sur la protection du foetus ainsi que dans les débats à la Chambre des communes. A nos yeux, ces manières foncierement opposées de percevoir l'être qui croît dans le corps de la femme continueront probablement de se polariser à mesure que la sensibilisation à l'égard du foetus augmente. Toutes ces conséquences de l'absence de loi devraient pousser le Parlement à prendre une décision claire à l'égard de la question politique principielle qu'est l'avortement. |