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Resume : Dans les annees 1980, les representants de ladite psychologie positive qui etaient relativement predominants dans ce champ de recherche, commencent ouvertement a se presenter comme des individus heureux. Ce faisant, ils soulignent non seulement l’authenticite des positions discursives autoproclamees, mais manifestent aussi le fait qu’ils suivent avec succes leurs propres directives pour une vie heureuse. En raison de ce changement significatif dans le self-fashioning epistemique, la psychologie positive – en particulier Ed Diener et Martin E.P. Seligman – tente volontairement de se distinguer d’autres formes contemporaines de reflexion sur le bonheur, telles les variantes a caractere economique ou neuroscientifique, mais aussi des recherches psychologiques sur le bonheur ancrees dans la tradition de la psychologie humaniste des annees 1960 et 1970. En effet, ses representants – comme Abraham Maslow ou Erich Fromm – avaient longtemps ete les pionniers dans le domaine des reflexions sur le bonheur, surtout parce qu’ils avaient reussi, en mettant l’accent sur les besoins et les possibilites du ressenti et des actions humaines, a developper une alternative convaincante au behaviorisme qui avait domine par moments la theorie et les institutions scientifiques. Cette contribution, qui repose sur la recherche en histoire du savoir, vise a analyser sous quelles formes la thematisation de soi de sujets chercheurs a ete integree dans differents paradigmes de la reflexion sur le bonheur, et dans quelle mesure ces recherches ont ete constitutives d’une part, pour l’image de soi des epistemic communities et d’autre part, pour l’approche epistemique de l’objet d’etude. Force est de constater que l’apparition ostentative du sujet meme en charge de mener la recherche represente un developpement remarquable, notamment quant au positionnement scientifique de la psychologie positive. La contribution a pour but de reconstituer l’evolution des representations du bonheur et d’examiner le lieu de l’individu chercheur s’adonnant a l’introspection. Concretement, l’etude se basera sur des exemples representatifs issus de la recherche sur le bonheur en psychologie americaine entre 1960 et 2000 qui a egalement trouve un echo important en Europe occidentale, surtout au Royaume-Uni et en Allemagne. Les etudes humanistes s’appuient sur un concept du bonheur qui se veut a la fois reflexif et critique, tout en cherchant a problematiser le contexte socio-culturel et politique et les representations du bonheur humain a la lumiere d’un diagnostic critique de la culture contemporaine. La reflexion sur le bonheur s’est transformee ici en une operation basique pour analyser la societe. Sur le plan de l’analyse et de l’autoportrait, cette ambition d’une critique de la societe et de la culture se traduit, pour le positionnement discursif, par une distance analytique importante vis-a-vis de l’objet etudie. Ainsi, l’implication personnelle du chercheur est exprimee avec la plus grande reserve et discretion.Les recherches de la psychologie positive en revanche reposent sur une conception fondamentalement differente du bonheur qui se distingue par sa subjectivite radicale et par la predilection des chercheurs pour les methodes des sciences humaines et sociales, par exemple, les etudes par sondage. Le bonheur est tres largement attribue a la sphere privee des sujets, afin de pouvoir opter pour le postulat du pouvoir decisionnel et de la responsabilite individuelle des acteurs pour leur bien-etre personnel. L’ensemble des facteurs socio-economiques et politiques a ete ecarte volontairement, puisque ces dimensions structurelles complexes ne sont pas immediatement accessibles a tout un chacun. Par consequent, les representants de la psychologie positive misent davantage sur des genres populaires, tels que la litterature appellative dite « self help ». L’une des caracteristiques marquantes est le renvoi a la biographie personnelle qui fait office d’autoregulation et d’obtention du bonheur.Pour l’analyse il est possible de recourir non seulement aux publications des auteurs cites, mais aussi aux interviews et autres temoignages autobiographiques.Grâce a l’integration de plusieurs approches historiques (savoir, communication, emotions, medias), la contribution se veut interdisciplinaire ; le bilan de la reception des recherches sur le bonheur americaines en Allemagne permettra d’y rajouter la dimension de l’historiographie des transferts (traduction : Dana Martin). |