Une cause rare d’hyponatrémie profonde

Autor: G. Berquier, A.M. Simonpoli, W. Bigot, Isabelle Mahé, Anne Grasland
Rok vydání: 2016
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Zdroj: La Revue de Médecine Interne. 37:A162-A163
ISSN: 0248-8663
Popis: Introduction L’hyponatremie est un trouble electrolytique frequent. Sa prise en charge depend des eventuels symptomes et de l’etiologie. En dehors des causes frequentes, iatrogenes, insuffisance cardiaque, cirrhose, SIADH, certaines, plus rares sont a ne pas meconnaitre. Observation Un homme de 40 ans est emmene aux urgences pour troubles du comportement. Il n’a pas d’antecedent, ne prend pas de traitement. Il est ancien ethylique et consommateur de cannabis. L’anamnese est difficile : il aurait presente une semaine auparavant 10 a 15 episodes de vomissements sur 3 a 4 jours, avec « sueurs froides », sans autres signes digestifs. L’examen clinique n’est pas contributif, la PA est 129/91, il n’y a pas d’œdemes. La natremie est a 112 mmol/L, l’osmolalite sanguine a 232 mmol/L, la creatininemie a 218 μmol/L et l’uree a 32,7 mmol/L. Le bilan hepatique est normal. La recherche de toxique dans les urines est positive pour le cannabis. L’alcoolemie est nulle. Devant la survenue de troubles de conscience, le patient est admis en reanimation. Il est conclu a une deshydratation extracellulaire avec hyperhydratation intracellulaire. La perfusion de serum physiologique et une restriction hydrique permettent une correction progressive de la natremie et de la fonction renale. L’etat neurologique se corrige, permettant de preciser l’anamnese : plusieurs episodes similaires de vomissements incoercibles sont survenus ces derniers mois et annees. Une fibroscopie aurait montre une œsophagite. Le patient est contraint a chaque fois de cesser sa consommation de cannabis (consommation ancienne (depuis l’âge de 17 ans) et pluri-quotidienne, de 7 a 9 joints par jour), les vomissements regressent alors et une polydipsie majeure survient ensuite. Apres correction de l’etat hydroelectrolytique, l’examen clinique est strictement normal. Le bilan etiologique concernant les vomissements : NFS, CRP, lipase, echographie abdominale, est normal. Le diagnostic d’hyperemese cannabique ou cannabinoide (HC) est alors retenu. Discussion L’HC est decrite la premiere fois en 2004. Plusieurs cas rapportes ensuite ont permis d’etablir des criteres diagnostics comprenant 1 critere essentiel (utilisation chronique de cannabis), 5 criteres majeurs (1 episodes de nausees et vomissements severes, iteratifs, 2 resolution des symptomes avec l’arret de la consommation de cannabis, 3 diminution des symptomes par des douches ou bains chauds, 4 douleurs abdominales, epigastriques et peri ombilicales, 5 consommation hebdomadaire de cannabis) et 5 criteres mineurs (1’âge inferieur a 50 ans, 2 perte de poids superieure a 5 kg, 3 predominance matinale des symptomes, 4 transit intestinal normal, 5 bilan biologique, radiologique et endoscopique normal). Notre patient presente le critere essentiel, 3 majeurs et 4 mineurs. La physiopathologie de ce syndrome demeure mal connue. Le cannabis contient plusieurs molecules dont le THC (delta-9 tetrahydrocannabinol) qui agit via les recepteurs CB1 situes notamment dans le systeme nerveux central et le systeme nerveux intestinal. Les recepteurs cerebraux sont impliques dans l’effet antiemetique et dans la thermoregulation par le biais de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Par l’intermediaire des recepteurs intestinaux, le THC est responsable d’un ralentissement global de l’activite digestive. L’accumulation de THC secondaire a l’usage chronique de cannabis, favorisee par sa longue demi-vie et sa forte lipophilie, provoquerait ainsi une inhibition du peristaltisme intestinal et une gastroparesie debordant l’effet anti-emetique. D’autres composants du cannabis (cannabidiol, cannabigerol) et des additifs contenus dans le produit consomme auraient aussi des effets pro-emetiques. Outre les mesures symptomatiques, le seul traitement est l’arret de la consommation de cannabis, permettant une regression des symptomes en 24–48 h. En cas de reprise, une rechute est quasi systematique. Conclusion Le cannabis est la substance illicite la plus consommee en France : 1,4 millions de consommateurs reguliers (au moins 10 fois par mois) et 700 000 consommateurs quotidiens. Chez les consommateurs reguliers, l’apparition de vomissements doit faire craindre ce syndrome d’HC, qui peut etre responsable d’une hyponatremie profonde potentiellement gravissime. L’information des usagers et des medecins, en particulier urgentistes, est essentielle pour permettre une prise en charge et une collaboration avec les equipes de liaison et de soins en addictologie. Le message est d’autant plus important a faire passer que se developpe le « cannabis therapeutique » dans des indications diverses, dont celles des nausees et vomissements, et le marche des cannabinoides de synthese dont l’affinite au recepteur CB1 est bien superieure au THC naturel.
Databáze: OpenAIRE