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Comment rendre compte de l’attrait pour le vehicule connecte ?Il apparait qu’une logique propre a la societe contemporaine permet de rendre compte d’un attrait non pas accidentel mais bien fondamental pour le vehicule connecte. Cette logique a deux visages, qui se dessinent par contraste avec deux piliers de l’intuition philosophique classique.Quels sont ces piliers ? C’est d’abord l’idee que l’homme est dote d’une nature, qui est ce qui l’anime intimement ; et cette nature a beau lui etre donnee, il n’en reste pas moins qu’il lui revient de l’accomplir, de vivre en conformite avec elle ; il s’agit de devenir ce que l’on est. C’est ensuite l’idee que cette nature est participative, que le lien a l’autre est constitutif de ce que l’homme se decouvre etre a mesure qu’il se connait lui-meme : a mesure que l’homme va vers lui, il va vers l’autre ; la participation (et en particulier la societe) est le corollaire d’une vie menee par l’homme conformement a sa nature.Qu’entraine la mise en question de ces deux piliers ?D’une part, l’homme qui ne se sent pas de nature a accomplir perd en quelque sorte le moteur interieur qui l’anime et est alors mis en mouvement par l’exterieur, mouvement qui precisement lui donne le sentiment de vivre. Et c’est finalement a un homme qui court apres mille sollicitations dans un mouvement perpetuel que nous avons affaire : la multiplication des experiences vecues lui donne le sentiment d’etre. Le vehicule connecte offrant par definition un potentiel experientiel sans fond vient soutenir ce sentiment : un monde de sollicitations est immediatement disponible par la connectivite ; ces sollicitations sont multipliees quand il s’agit d’un vehicule connecte, a fortiori si ce vehicule est autonome, offrant a l’individu l’occasion d’endosser divers roles.D’autre part, l’homme qui ne se sent pas constituer la partie d’un tout, mais se sent bien plutot constituer un tout, ne manque pas de rencontrer autrui comme un obstacle sur le chemin de sa satisfaction, obstacle qu’il s’agit de lever : il s’agit de se sentir independant. Ici encore, le vehicule connecte apparait comme un excellent moyen a la fois de progresser reellement vers l’independance, et celle-ci constituant une sorte d’ideal a atteindre, de soutenir ce faisant l’illusion d’independance. Independance reelle, si l’on considere que la connectivite et l’automobile, notamment quand elle devient autonome, constituent un progres, augmentant l’efficience de l’individu. Illusion d’independance, par exemple, si l’on considere que la connectivite donne le sentiment d’etre au centre d’un monde qui tourne autour de soi.Enfin, certains corollaires interessant notre propos doivent etre evoques. Si l’on considere que chez un individu tout entier desir : 1) la participation n’est pas donnee mais construite, donnant naissance a des communautes communautaristes ; 2) qu’il n’y a rien au principe d’un ancrage territorial, ce qui conduit au nomadisme ; et 3) qu’une certaine peur de tomber dans la dependance d’autrui prevaut ; nous avons l’emergence de communautes communautaristes nomades soucieuses de beneficier de reseaux immateriels ultra-securises, de vehicules facilitant le quotidien nomade et proposant des strategies de deplacement communautaires. |