Le passage des anciennes à de nouvelles Mille et Une Nuits au xve siècle

Autor: Jean Claude Garcin
Rok vydání: 2013
Předmět:
Zdroj: Médiévales. 64:77-90
ISSN: 1777-5892
0751-2708
DOI: 10.4000/medievales.6962
Popis: L’analyse historique du texte arabe des Contes des Mille et Une Nuits permet de comprendre la coherence du recueil imprime pour la premiere fois en Egypte, a Būlāq, en 1835. La collecte des contes de Būlāq a ete realisee dans un but moralisant, voire religieux, par un cheikh egyptien dont nous ignorons le nom, peu apres 1750. L’historien peut replacer ces textes dans le temps en analysant les « indices contextuels ». Il est conduit a identifier ceux qui sont des contes medievaux et d’epoque mamelouke (44 % seulement du texte arabe imprime), et a constater qu’une rupture dans les themes des contes a commence en Egypte dans le premier quart du xve siecle : adjonction a de vieilles anecdotes sur les califes abbasides des ixe-xe siecles et leur cour, de contes faisant preuve de plus d’esprit critique (le « Sindbād le Marin » que nous connaissons), voire des interrogations plus graves sur les famines et les pestes. La rupture veritable se produit en Syrie affectee par les invasions mongoles (Tamerlan deporte a Samarkand de nombreux habitants de Damas en 1401), lorsqu’un auteur damascene ecrit de « Nouvelles Mille et Une Nuits », sans doute entre 1421 et 1436. La famille abbasside (en particulier Harūn al-Rashīd) est tournee en ridicule ; les anecdotes purement historiques sont bannies ; l’auteur, qui apparait comme un « moraliste », s’interesse surtout a l’etude des caracteres et des passions, sans reference a la loi islamique. Cette rupture coincide avec un changement dans la production litteraire en Egypte, au moment ou se consolide au Caire le regime politique des mamelouks « circassiens ». A partir du xvie siecle, les auteurs de contes se placeront dans la continuite formelle de l’auteur damascene du xve siecle, qui a fourni le modele de « Mille et Une Nuits modernes », avant qu’au xviiie siecle une affirmation nouvelle du religieux et du « convenable » conduise a une rupture finale et a la moralisation des contes par celui qui a compose le recueil de Būlāq.
Databáze: OpenAIRE