‘tu ll’as vu ?’. La gémination des proclitiques dans les langues de France. Statut phonologique et syntaxique des clitiques géminés dans l’Atlas linguistique de la France (ALF) et dans les atlas linguistiques par région
Autor: | Russo, Michela, Sahmaoui, Laure |
---|---|
Přispěvatelé: | Structures Formelles du Langage (SFL), Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Paris Lumières (UPL), SFL UMR 7023 CNRS / CNRS, UMR 7018 LPP / Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3) & LABEX EFL / LSCP / ENS Paris / LABEX ASLAN (Lyon), Noan Faust / Michela Russo / Xico Torres Tamarit / Sophie Wauquier, Russo, Michela, Université Paris Lumières (UPL)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8) |
Jazyk: | francouzština |
Rok vydání: | 2018 |
Předmět: | |
Zdroj: | 16es Rencontres du Réseau Français de Phonologie (RFP 2018) 16es Rencontres du Réseau Français de Phonologie (RFP 2018), Noan Faust / Michela Russo / Xico Torres Tamarit / Sophie Wauquier, Jun 2018, Paris, France |
ISSN: | 2017-0009 |
Popis: | International audience; La gémination du pronom objet, du type « tu ll’as vu ? » = (« tu l’as vu ? ») a suscité la curiosité de quelques linguistes : Morin (1979) pour le français du Québec et Carvalho (2017) pour l’agglomération parisienne. Sahmaoui (2015) en a fait pour la première fois une géolocalisation précise à l’intérieur des différents atlas linguistiques de la France, à partir des cartes de l’ALF (Atlas Linguistique de France), puis des Atlas Linguistiques et Ethnographiques de France par Région. Les formes de clitiques géminés décrites par Carvalho (2017) sont localisées dans le parler parisien ; celles décrites par Morin (1979) dans le français populaire de la région parisienne. Cependant, les données de l’ALF infirment cette localisation des géminées (Sahmaoui 2015) : une majorité de formes géminées pour le clitique se trouve en région picarde, et, plus précisément, dans les départements du Pas-de-Calais et de la Somme ainsi qu’au nord, de l’Aisne et de l’Oise, et ces formes s’étendent même en territoire belge. Cette constatation se trouve renforcée grâce à l’Atlas Linguistique et Ethnographique Picard qui est le seul parmi tous les atlas régionaux à présenter des cas de géminées. Sahmaoui (2015) montre également que le clitique, dans ces parlers, peut aussi géminer en position initiale, lors d’une inversion sujet-verbe par exemple, (« ll’as-tu lu ? »), et également lorsqu’il est en enclise (dimelle, dillɥi), alors que les données illustrées par Morin et Carvalho se restreignent à la position proclitique sur un verbe dans une phrase syntaxique de type [Sujet [SVVerbe [SDPron.]]], où le pronom clitique occupe la place structurale normale d’un complément, ce qui se retrouve aussi dans l’ALF (cf. 2° fascicule ALF, carte 83 « je l’ai »).Dans le 2° fascicule de l’ALF, carte 83 « que j’ai ; j’enn ai ; je ll’ai », avec les trois entrées sur la même carte, « que j’ai », « j’en ai » et « je l’ai », Gilliéron et Edmont nous donnent l’attestation de la géminée du proclitique objet élidé le/la, (jelle), mais montrent également cette gémination avec d’autres clitiques, tel que le proclitique en (jenn e).Nous considérons ici donc, au-delà des clitiques objet le et la, les occurrences de géminées d’autres clitiques et d’autres schémas syntaxiques, avec la position du clitique en enclise du verbe à l’impératif, la proclitisation avec négation, la proclise d’un régime indirect, etc. : 2° fascicule, carte 85 « l’as-tu (lu) ? » ou 9° fascicule, carte 410 « dis-le-moi », 25° fascicule, carte 1154 « nous ne le revîmes plus », 33° fascicule, carte 1650 « je n’ai pas osé le lui dire », 2° fascicule, carte 65 « je veux l’attacher » (voir Samaoui 2015). Il est crucial de remarquer que malgré les clitiques et l’article déterminant (le) partagent le même étymon (le, la, les < ILLUM, ILLAM, ILLOS, ILLAS, formes accusatives du latin ILLE), le déterminant, tête syntaxique d’un DP, ne gémine jamais (« à l’abri » carte 4 ALF). Nous soutenons pourtant ici l’hypothèse que le clitique et le déterminant sont deux formes allomorphiques ayant une seule forme phonologique sous-jacente qui dispose d’une position supplémentaire C- sous-jacente légitimée quand la dépendance structurale des morphèmes est : [Acc [T [V [cl ]]]].Le même phénomène de gémination a été analysé pour le français du Québec par A. Morin (2010) et Walker (1984). Pour le français québécois, A. Morin (2010), propose qu’une more sous-jacente soit attribuée au clitique objet. R.Walker (2000) suggère pour la réduplication en Mbe qu’il existe une correspondance entre les niveaux morphologique et phonologique avec des contraintes de réalisation de morphème: Realise-C : A morpheme must have some phonological exponent in the output. » R.Walker (2000 : 121). En ligne avec cette idée, nous proposons pour les données gallo-romanes que le clitique objet, ainsi que les autres pronoms et les clitiques déterminants le/la, disposent toujours de deux positions C au niveau sous-jacent, et que la position consonantique doit recevoir une légitimation syntaxique ou accentuelle pour être réalisée. Nous supposons en général que n’importe quel élément peut représenter un morphème : un segment, un ton ou un trait ; la consonne sous-jacente du clitique est un morphème représenté par un segment.Nous analysons la proclise du type « j’en ai » ou « je l’ai » comme une intégration par la syllabation qui aboutit à une adjonction à gauche. De même que pour la liaison obligatoire, qui concerne les morphèmes placés à gauche d’une catégorie lexicale, la gémination du clitique serait un effet de cliticisation (avec la différence qu’en syntaxe les déterminants et les prépositions s’analysent comme des têtes). La phonologie dispose pour ces clitiques d’une forme sous-jacente avec deux positions C (qui pourraient s’interpréter dans le cadre du CV strict comme un double CVCV). Le deuxième C sous-jacent est réalisé quand le clitique est incorporé : quand le clitique est traité comme un préfixe linéarisé à gauche et le verbe comme une tête affixe. La gémination est donc l’effet de la linéarisation phonologique et morphologique.Les proclitiques à voyelle nasale finale (du type j’enn ai) montrent en outre qu’il faut supposer un effet de phase dans le processus de syllabation des morphèmes ayant une consonne nasale. La solution que nous retenons ici considère que l’enclise et la proclise ne se différencient pas au niveau structural ; les deux clises représentent deux stratégies d’intégration phonologique opposées. La légitimation du clitique géminé en position post-finale est accentuelle. Les proclitiques géminées en position initiale sont l’effet d’une intégration au domaine de syllabation. RéférencesALF = Gilliéron, Jules/Edmont, Edmond, 1902–1920. Atlas linguistique de la France (ALF), 20 vol., Paris, Champion.ALPic = Carton, Fernand/Lebègue, Maurice, 1989–1999. Atlas linguistique et ethnographique picard, 2 vol., Paris, Éditions du CNRS/CNRS Éditions.Carvalho, Joaquim Brandão (2017). Je ll’ai vu: Perception-driven allomorphic optimization of French l. Probus, International Journal of Romance Linguistics 29. https://doi.org/10.1515/probus-2017-0009Morin, Annick (2010). Diachrony and Synchrony of /l/ gemination in Quebec French. Actes du Congrès de l’Association Canadienne de Liguistique, Université Concordia, Montréal, du samedi 29 - 31 mai 2010. (éd.) Melinda Heijl.Morin, Yves-Charles (1979). La morphophonologie des pronoms clitiques en français populaire. Cahier de linguistique, n°9, p. 1-36.Sahmaoui, Laure (2015). La gémination des proclitiques en français : variation et interprétation. Mémoire de Master 2 sous la direction de Michela Russo, Université UJM Lyon 3.Walker Douglas (1984). The pronunciation of Canadian French. Ottawa, University of Ottawa Press.Walker Rachel (2000). Nasal Reduplication in Mbe Affixation. Phonology 17 : 65-115. |
Databáze: | OpenAIRE |
Externí odkaz: |