Filmer le quotidien politique pour saisir - et s’engager dans - les transformations démocratiques. Autour du documentaire « Commune commune » sur l’expérience de Saillans 2014-2020

Autor: Brun, Dorine, Girard, Sabine, Jacquet, Sarah, Muller, Séverin
Přispěvatelé: Laboratoire des EcoSystèmes et des Sociétés en Montagne (UR LESSEM), Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), Centre Lillois d’Études et de Recherches Sociologiques et Économiques - UMR 8019 (CLERSÉ), Université de Lille-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), MSH Paris Nord
Jazyk: francouzština
Rok vydání: 2022
Předmět:
Zdroj: Congrès 2022 du GIS Démocratie et Participation « Démocratie par temps sombre : autoritarismes, participations, expérimentations »
Congrès 2022 du GIS Démocratie et Participation « Démocratie par temps sombre : autoritarismes, participations, expérimentations », Nov 2022, Paris, France
Congrès 2022 du GIS Démocratie et Participation « Démocratie par temps sombre : autoritarismes, participations, expérimentations », MSH Paris Nord, Nov 2022, Paris, France
Popis: International audience; Les expérimentations pour renouveler les pratiques démocratiques se multiplient à différentes échelles, dans une période où ce qui fait société est attaqué de toutes parts. Elles cherchent à advenir sous des formes diverses et leur portée transformative est questionnée. Dans quelle mesure contribuent-elles à refonder les principes et les modalités de la démocratie, ses modes de représentation, d’agir et de décision ? De quelles manières peut-on saisir les transformations qu’elles occasionnent dans la durée, en profondeur, sur les pratiques, les manières de penser et de vivre, les systèmes et la culture politiques, à la fois pour celles et ceux qui s’engagent dans ces aventures, et celles et ceux qui s’y intéressent ? La commune de Saillans a constitué l’une de ces expérimentations, médiatisée, sous la mandature municipale 2014-2020. La liste collégiale élue a tenté de remettre les habitants au centre des décisions et de redonner du pouvoir d’agir à chaque citoyen. Elle a testé, inventé et hybridé des dispositifs relevant de la participation citoyenne (ie : co-élaboration d’actions publiques), de la délibération par sortition (ie :panel citoyen pour la révision du PLU) mais aussi de l’agir citoyen (formation et encouragement à l’auto-organisation). Tout en se conformant au cadre institutionnel, elle a eu la particularité d’investir ses marges pour explorer et mettre en pratique une alternative démocratique plus directe et horizontale. Cette expérience a été suivie au quotidien, de son démarrage à son terme (2014-2020), par deux documentaristes cinéma habitantes du village. Elles avaient l’intuition que cette expérience particulière méritait d’être racontée et transmise. Avec leur caméra, elles se sont attachées à documenter les façons dont les habitants se sont saisis des dispositifs participatifs, les ont transformés et s’en sont trouvés transformés. En 2019, elles ont proposé une tribune aux villageois pour exprimer leurs sentiments sur l’aventure en cours, en somme une démarche réflexive collective. Face caméra et sur la base de séquences filmées auparavant, elles ont invité les habitants à témoigner de leurs vécus et ont ouvert un débat sur les difficultés rencontrées, les joies, les regrets et les aspirations. Un film documentaire en rend compte, Commune commune (La Société des apaches, Bocalupo Films, 2022, 1h50) . Dans le cadre des journées du GIS, nous proposons de projeter ce documentaire, puis d’organiser une table ronde, regroupant plusieurs protagonistes de cette expérience, dont les habitantes-cinéastes, une habitante-chercheure et des intervenants extérieurs. Nous envisageons d’aborder trois sujets ayant trait à la visée et à la portée transformative d’une telle expérience ainsi qu’à la façon de la documenter. (1)Cette expérience démocratique a produit des effets de politisation sur les habitants et les élus, que ce documentaire permet de saisir et de montrer : facteurs et formes d’engagements et de désengagements ; apprentissage collectif civique et politique ; expertise citoyenne orientée vers l’élaboration d’un intérêt général local ; reconnaissance des positions conflictuelles et de la controverse ; cheminements des identités politiques, etc. Quelles sont leurs potentialités transformatives ? En quoi affectent-elles, en profondeur et dans la durée, les valeurs, les règles, les pratiques et les relations qui fondent et organisent notre démocratie actuelle ? (2)En quoi le procédé filmique constitue une composante possible de l’expérience démocratique ? D’une part, la présence de la caméra a des effets sur les dynamiques de participation, tant en termes de mobilisation (être sous le regard de), que de retrait (refus de participer, autocensure, pression). D’autre part, elle a des impacts politiques. Quand sa présence est acceptée, elle peut saisir la dimension quotidienne de la fabrique politique, dans sa matérialité, dans les jeux discursifs et dans les corps. Le documentaire filmé peut, comme c’est le cas ici, être aussi mobilisé comme un outil réflexif : il devient alors un miroir pour prendre du recul, une invitation à raconter et se raconter. En cours de route et une fois le film achevé, la salle de projection se mue en espace de débat, parallèle et autonome de celui proposé par l’institution : des perspectives communes peuvent émerger de la controverse. Au cœur des témoignages et des interactions se nouent et se dénouent des réflexions sur ce qu’est le pouvoir et le sens qu’on lui accorde, l’action publique communale et les façons de l’incarner, les formes d’engagement et la porosité des temps de vie, l’intérêt général, la citoyenneté. Par exemple, les manières de cohabiter et de penser l’accueil des nouveaux arrivants et des migrants, les façons de faire face aux défis climatiques et sociaux articulent les enjeux locaux à d’autres, globaux ou universels, qui sont in fine du ressort de la démocratie comme « mode de vie ». (3)Les documentaristes sont habitantes du village et une élue a fait de cette expérience un objet de recherche. Quels sont les défis éthiques, méthodologiques et épistémologiques de faire du cinéma documentaire et de la recherche scientifique quand on est à la fois objet et sujet de sa propre investigation, et quand on est pris dans les enjeux quotidiens du village ? Le dialogue entre chercheurs et cinéastes pourra se nouer autour de deux dispositifs particuliers mobilisés :la création d’espaces de réflexivité chemin faisant et la production d’un récit ex-post. Quelles visées et portées, quelle contribution à la transformation sociale en matière démocratique ?
Databáze: OpenAIRE