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Les Mémoires d’outre-tombe dépeignent de saisissante façon l’effervescence politique et culturelle qui s’empare de la société parisienne au début de la période révolutionnaire : On se transportait du club des Feuillants au club des Jacobins, des bals et des maisons de jeu aux groupes du Palais-Royal, de la tribune de l’Assemblée nationale à la tribune en plein vent. […] On courait entendre chanter Mandini et sa femme […], après avoir entendu hurler Ça ira ; on allait admirer […] Talma débutant, après avoir vu pendre Favras. Cette frénésie poussant le public à courir à la fois les clubs politiques et les théâtres alors que se brouillent les limites séparant l’espace public de la scène donne la mesure de temps de désordre caractérisés par « la lutte des deux génies, le choix du passé et de l’avenir, le mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles ». Ce mélange des genres s’observe dans la nature même de la production dramatique du temps, qui entremêle pièces anciennes, comédies légères et productions nouvelles comme La Mère coupable (1792) de Beaumarchais, « mélange monstrueux », selon la critique, « de beautés dramatiques, & de trivialités absurdes & ridicules », objet d’« une exécution plus que bizarre ». Le jeu des acteurs les plus fameux de l’époque porte la marque, lui aussi, de cet égarement généralisé : « Qu’était-il donc, Talma ? Lui, son siècle et le temps antique. Il avait les passions profondes et concentrées de l’amour et de la patrie ; elles sortaient de son sein par explosion. Il avait l’inspiration funeste, le dérangement de génie de la Révolution . » Aussi notre contribution entend-elle examiner la façon dont l’œuvre de Chateaubriand, de l’Essai sur les révolutions aux Mémoires d’outre-tombe, pense au prisme du théâtre – entendu à la fois comme un lieu d’expression politique et comme la production dramatique du temps – ce dérangement de génie de la Révolution, phénomène à la fois intime et collectif qui devait adopter de nouvelles formes sous l’Empire. |