Zeugma V. Les objets
Autor: | Michel Feugère, Nadine Dieudonné-Glad, Mehmet Önal, Catherine Coll. Abadie-Reynal, Renaud Bernadet, Jean-Baptiste YON |
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Přispěvatelé: | Archéométrie et archéologie : Origine, Datation et Technologies des matériaux, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), Université de Lyon-Université de Lyon-Université Lumière - Lyon 2 (UL2), Hellénisation et romanisation dans le monde antique (HeRMA), Université de Poitiers, University of Harran, Histoire et Sources des Mondes antiques (HiSoMA), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Jean Monnet [Saint-Étienne] (UJM)-Université Jean Moulin - Lyon 3 (UJML), Université de Lyon-Université de Lyon-Université Lumière - Lyon 2 (UL2)-École normale supérieure - Lyon (ENS Lyon), Chercheur indépendant, J.-B. Yon, ANR-08-COMM-0003,ECCECOMSYNOROM,Echanges culturels et Communication en Syrie du nord romaine(2008), Université Lumière - Lyon 2 (UL2)-Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), Université de Lyon-Université de Lyon-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), École normale supérieure de Lyon (ENS de Lyon)-Université Lumière - Lyon 2 (UL2)-Université Jean Moulin - Lyon 3 (UJML), Université de Lyon-Université de Lyon-Université Jean Monnet - Saint-Étienne (UJM)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Feugere, Michel, Les formes et mutations de la communication : processus, compétences, usages - Echanges culturels et Communication en Syrie du nord romaine - - ECCECOMSYNOROM2008 - ANR-08-COMM-0003 - COMM - VALID |
Jazyk: | francouzština |
Rok vydání: | 2013 |
Předmět: | |
Zdroj: | J.-B. Yon. 64, pp.439, 2013, Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée, J.-B. Yon, 978-2-35668-039-6 J.-B. Yon., 64, pp.439, 2013, Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée, J.-B. Yon, 978-2-35668-039-6 HAL |
Popis: | International audience; Cet ouvrage constitue la publication monographique des objets issus des fouilles franco-turques de Zeugma, c’est-à-dire toutes les trouvailles mobilières à l’exclusion des lampes en terre cuite, qui n’ont pas pu être incluses ici, de la vaisselle en céramique, des monnaies et des empreintes de sceaux, qui sont le sujet d’autres travaux. Il s’agit donc ici d’un ensemble très varié, utilisant des matériaux divers (métaux et leurs alliages, mais aussi os, bois de cerf, ivoire, pierre… etc.) et relevant de fonctions tout aussi hétérogènes. Globalement, le mobilier regroupé dans ce volume concerne les grands domaines suivants : les soins du corps et l’habillement ; la maison et ses aménagements ; enfin les activités vivrières, productives ou sociales. Ce sont donc les thèmes qui sont évoqués au cours des pages de ce volume, organisé par grandes catégories fonctionnelles.Le mobilier provient d’une douzaine de chantiers ouverts dans la ville basse, menacée par la montée des eaux du barrage de Birecik, et correspondant à des pentes aménagées sur la rive droite de l’Euphrate, à proximité du pont qui reliait Zeugma à sa ville jumelle, Apamée, située en plaine sur l’autre rive du fleuve. Les ensembles topographiques et stratigraphiques, notamment ceux qui sont liés à des maisons, ont été regroupés et discutés dans une partie distincte (p. 277-315), mais on a préféré ne pas adopter ce parti pour présenter l’ensemble du mobilier : un tel choix aurait abouti à segmenter la documentation de manière excessive, tout en amenant à regrouper des objets qui ont pour seul point commun d’avoir été trouvés dans un même chantier. L’intérêt stratigraphique est en effet très inégal selon les fouilles. Là où les ensembles présentaient un intérêt évident, comme pour les maisons du chantier 12, les objets ont évidemment été regroupés et discutés dans leur contexte.L’ouvrage s’ouvre par une présentation générale du site, de son histoire et de son exploration archéologique, notamment en ce qui concerne les fouilles franco-turques publiées ici (p. 15-22). Les matériaux et techniques dont bénéficient les objets font ensuite l’objet d’une présentation synthétique (p. 23-40). Malgré la disparition presque systématique de la plupart des matériaux organiques, à l’exception des matières dures d’origine animale (os, ivoire, bois de cerf, dent), les ressources utilisées sont d’une grande variété, faisant appel à l’approvisionnement local ainsi qu’à des importations plus ou moins lointaines. Ainsi, la stéatite, utilisée pour fabriquer la plupart des fusaïoles, peut avoir été importée d’un massif voisin ; d’autres pierres, notamment les semi-précieuses, faisaient l’objet d’un commerce à très grande échelle dans le monde antique.En ce qui concerne les objets en céramique, une habitude des potiers locaux, l’ajout d’un dégraissant à grosses paillettes de mica jaune, permet de repérer dans la collection des figurines moulées, par exemple, les séries locales des exemplaires importées ; en croisant ces données avec une approche stylistique, on peut approcher la question de l’identité culturelle de la ville et de ses habitants, au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Pour les métaux comme pour le verre, en revanche, on ne dispose par encore des traceurs qui permettraient de préciser l’origine des objets retrouvés à Zeugma.Sur le plan des techniques, quelques analyses métallographiques (p. 39-40) et des radiographies ont pu être réalisées sur les objets en fer, qui nous renseignent sur la très grande maîtrise des forgerons ayant fabriqué les objets examinés de Zeugma. Par ailleurs, la lisibilité et la compréhension de certaines pièces complexes, comme des objets décorés ou encore le candélabre à hampe rétractable n°916, ont été considérablement améliorées grâce à l’intervention sur place d’un conservateur-restaurateur, qui expose ici la démarche en détail (p. 30-39).Le catalogue des objets, qui regroupe la totalité des descriptions, les parallèles typo-chronologiques et l’essentiel des interprétations proposées, occupe la plus grande partie du volume (p. 41-275). Les 1669 objets sont donc classés par grandes catégories fonctionnelles, et proviennent donc de contextes variés, allant du début de l’Empire au VIe s. de notre ère. Quelques pièces plus anciennes, provenant sans doute de ramassages sur les habitats locaux de l’Age du Bronze et du début de l’Age du Fer, apparaissent de manière sporadique (p. 44). Les objets personnels incluent tout d’abord des accessoires de parure, de vêtement puis de toilette, dont une partie provient des tombes recouvertes par l’habitat romain au moment de son extension orientale des IIe-IIIe siècles. Cette « colonisation » des espaces funéraires, qui illustre de manière spectaculaire le dynamisme d’une ville appelée à s’étendre dans un espace contraint, nous permet de disposer de documents protégés jusqu’à l’intervention des archéologues par l’effondrement des structures d’habitat, notamment lors du sac de Zeugma en 253 ap. J.-C. Les nouvelles nécropoles installées au Sud du Belkıs Tepe à partir du IIe siècle ont malheureusement fait l’objet de pillages systématiques à une période récente, et leur documentation est irrémédiablement perdue. L’étude de ces parures (p. 45-69 ; pl. 1-7) montre que Zeugma s’intègre parfaitement dans les circuits commerciaux et humains de son époque, entre l’Europe et l’Orient, recevant des types romains tout en utilisant aussi des importations égyptiennes [?] et asiatiques. On peut sans doute déceler, derrière certains accessoires de vêtement, la présence physique sur le site de personnes issues de régions précises. Ainsi, deux fibules (n°68 et 69) appartiennent à des types originaires de Mésie qu’il est tentant de mettre en relation avec l’origine des troupes romaines installées à Zeugma à partir de la deuxième moitié du Ier s. de n. ère. Au fil des siècles, Zeugma semble avoir conservé des relations privilégiées avec cette région balkanique, d’où provenaient les premières recrues de la Leg. IV Scythica, et sans doute aussi, donc, les soldats du IIIe siècle. Les objets de toilette (pl. 8-9) semblent tous appartenir à des types occidentaux, à l’exception d’un étui à kôhl en porphyre rouge, qui doit prévenir d’Egypte.L’équipement des maisons (p. 71 et suiv.) forme une part importante de la documentation du site, puisque les maisons ont subi un saccage ayant entraîné, dans plusieurs cas, l’effondrement des superstructures et donc l’ensevelissement de nombreux éléments de la vie quotidienne. Ainsi en va-t-il d’un cadran solaire, élément de prestige social issu de la plus belle maison du chantier 12, la maison de Poséidon, mais aussi de plusieurs grilles de fenêtres qui nous renseignent sur la taille de ces ouvertures comme sur la protection des maisons donnant sur des espaces publics. Certaines de ces grilles, comme un exemple de la même maison, ont été retrouvées avec les fragments des vitres qui assuraient un éclairage maximal des pièces.Mais la plus grande partie des objets classés ici relève de la quincaillerie, avec toute une série de crampons, agrafes, crochets, suspensions, pattes de scellement, etc. … dont la fonction n’est pas toujours facile à déterminer. À ce titre les fouilles de Zeugma, avec leurs contextes clos issues de maisons fouillées de manière extensive, apportent des données nouvelles et souvent déterminantes pour l’interprétation de certaines formes. L’eau joue un rôle particulièrement important dans l’aménagement des luxueuses maisons étagées au-dessus de l’Euphrate, et les embouts divers, robinets et bouches de fontaine, renvoient aux circuits complexes qui assuraient la circulation de l’eau dans ces quartiers, sans parler de l’évacuation des eaux usées vers les zones de moindre altitude.De très nombreux éléments et décors de meubles ont été retrouvés à Zeugma. La série impressionnante des cadenas rappelle l’importance des coffres dans des demeures certes verrouillées sur l’extérieur, mais dont le fonctionnement social ne laissait pas pour autant libre accès à tous au sein des appartements du maître —ou de la maîtresse— de maison. L’abondance des serrures et des clés, comme celle d’autres éléments de meubles (pieds de fauteuils, sièges pliants, luminaires, etc. …) vient du fait que les habitants ont dû fuir assez vite : le temps, certes, d’emporter leurs biens les plus précieux, mais pas leurs meubles, abandonnés sur place. Il a même fallu renoncer à emporter des lampes dont certaines de bonne qualité, des statues de marbre, grandes ou petites, et bien sûr des figurines moulées, produites en série, que les cultes domestiques ou locaux utilisaient par dizaines. Même les jouets des enfants ont dû être laissés sur place, ce qui nous vaut de disposer par exemple de plusieurs poupées (p. 203-207), dont quelques-unes devaient être des objets de prix.L’abandon en catastrophe de Zeugma a ceci d’exceptionnel qu’il concerne tous les quartiers de la ville, et que donc le quartier fouillé dans le chantier 12, qui abritait certainement un personnage d’élite, a été rapidement vidé de ses habitants, mais pas de ses richesses. Celles-ci ont certainement attiré de manière prioritaire les troupes sassanides venues piller la ville ; la fouille n’a donc pu retrouver que les débris de ce pillage, ou ce qui a été enseveli dans les maisons incendiées. Mais le caractère luxueux de la maison de Poséidon transparaît à travers de nombreux éléments, qu’il s’agisse de grands éléments (luminaire en forme de statue de Mars, n°915 ou parfois d’objets de petite taille (comme un trépan de chirurgie n°1180, ou une possible lyre n°1189). Mais l’une des découvertes les plus curieuses de cette maison est un char retrouvé démonté, dont l’avant-train (n°1343) a été mis au jour dans le péristyle sous les gravats de l’étage effondré. Si les conditions de fouille n’ont malheureusement pas permis de tenter la reconstitution qu’aurait mérité une telle découverte, il s’agit d’une nouvelle confirmation du statut très particulier qu’occupait à Zeugma le propriétaire de la maison de Poséidon.Si la ville a pu être attaquée et pillée en un éclair par les troupes sassanides de Shapur Ier, c’est bien parce que la garnison romaine qui protégeait la ville depuis la deuxième moitié du Ier siècle avait été imprudemment déplacée vers l’Est. De la présence militaire à proximité de la ville, il reste, dans les maisons fouillées, une quantité surprenante d’armes, qui ne semblent pas avoir été utilisées mais simplement abandonnées sur place en 253 (p. 247-261; pl. 76-82). Aucun corps de victime n’a été retrouvé sur le site, mais l’armement mis au jour à Zeugma appartenait probablement à des soldats laissés dans le quartier pour assurer la garde personnelle des personnages qui y vivaient. Les éléments retrouvés (poignard, épée, armatures de lances, de javelines et de pointes de flèches ; éléments de casque, de bouclier…) ne correspondent pas aux petits éléments qu’on retrouve habituellement dans les villes romaines, où on trouve surtout des accessoires de ceintures et de harnais. Ici, non seulement les armes sont nombreuses, mais on a aussi découvert une importante série de cuirasses (cottes de mailles, une cuirasse à écailles, une autre segmentées, et aussi une cuirasse mixte) qui sont ordinairement très rares dans les habitats. Ces objets, retrouvés en général dispersés sur les sols des maisons, témoignent de la défection rapide des vigiles à l’arrivée des troupes sassanides.La vaisselle métallique devait constituer une part importante de la richesse domestique, mais il est clair que les vases les plus précieux ont fait partie des biens emportés en catastrophe par les habitants fuyant la ville avant sa chute. On n’a donc retrouvé sur place, pour l’essentiel, que des objets brisés et démembrés, délaissés par les pillards ou abandonnés dans les maisons en ruine (pl. 83).Enfin, la présentation du mobilier par chantier révèle, dans la plupart des cas, l’hétérogénéité des contextes qui ont été fouillés dans les sondages ; quelques maisons, en revanche, forment des ensembles du plus grand intérêt compte tenu de leur fouille extensive, de leur état de conservation et des circonstances particulières qui ont entraîné leur abandon en 253 ap. J.-C. C’est bien sûr le cas de deux maisons situées au Sud du chantier 12, les maisons de Poséidon et de l’Euphrate, détruites par un incendie à l’occasion du sac de la ville. Pour autant, l’interprétation des objets retrouvés dans chaque pièce de ces maisons n’est pas simple : des meubles ont pu être déplacés, voire démontés en vue d’un transport, ou encore de l’utilisation de certaines parties comme outil pour défoncer des murs ou des armoires; des outils ont pu être transportés d’une pièce à l’autre dans le même but ; par ailleurs, ces maisons comportaient des étages dont la structure, et le contenu en partie, sont venus s’effondrer sur les sols du rez-de-chaussée. Enfin, des récupérations partielles, pas toujours bien datées (peu après le pillage ? ou au IVe s. ?) ont laissé des traces dans certaines pièces, où il semble que des éléments d’architecture aient été déplacés en vue de leur enlèvement.Malgré ces difficultés, inhérentes à tout habitat ayant connu une histoire longue et complexe, les fouilles de Zeugma ouvrent une fenêtre spectaculaire dans la culture antique de cette région du Proche-Orient au début de notre ère, et en particulier au IIIe siècle. Au Nord de la Syrie romaine, Zeugma devait bien sûr sa prospérité à son statut de ville-frontière et de poste de douane, prélevant la taxe impériale sur les marchandises exportées et importées vers le monde perse et bien au-delà. C’était donc, comme d’autres villes périphériques des provinces extérieures, un lieu d’échanges, point d’arrivée dans l’Empire de personnages et de denrées inconnues en Occident. À travers ce « pont » emblématique, Zeugma a joué le rôle d’un avant-poste de la romanité, illustrant avec fierté un mode de vie, des valeurs et une culture gréco-romaine qui ont marqué durablement, au-delà de la catastrophe de 253, toute la région. |
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