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Résumés:Cet article examine comment la narratrice du Corps de ma mère de Fawzia Zouari (2016) s'approprie l'histoire de sa mère dans sa quête de soi et comment la seconde s'est libérée du carcan sociétal et des assignations identitaires selon lesquelles les femmes musulmanes sont réduites au silence et victimes du discours patriarcal. La structure du roman se caractérise par le récit dans le récit, typique du réalisme magique de la littérature latino-américaine du boom des années 1980 et de la littérature orientale, particulièrement Les Mille et Une Nuits, avec des commentaires de la narratrice. L'analyse de la fonction des éléments magiques et des mythes montre que tandis que le recours au surnaturel dans les études postcoloniales permet de subvertir la hiérarchie entre (anciens) colonisateurs et colonisés, dans ce roman il s'agit de déconstruire celle entre homme et femme et de donner de l'agentivité aux femmes, raison pour laquelle l'esthétique magico-réaliste est nommée féminisme magique ici, notion forgée par Patricia Hart (1989). La mère s'impose comme sujet à travers sa parole qui devient parole performative. En référence à Saba Mahmood (2009), il est montré que, de cette manière, les normes patriarcales sont subtilement minées de l'intérieur même si elles semblent préservées de l'extérieur. L'importance du point de vue de la narratrice vis-à-vis des phénomènes surnaturels est soulignée ; tout en gardant une certaine distance, elle confirme la véracité de l'histoire pour ainsi l'inscrire dans sa propre réalité. En construisant et transmettant dans un roman un imaginaire avec des femmes puissantes, l'auteure crée une généalogie féminine qui manque dans des sociétés patriarcales et qui sera nécessaire pour changer l'ordre séculaire dans la Tunisie postcoloniale.Abstracts:This paper examines how the narrator of Fawzia Zouari's Le Corps de ma mère (2016) appropriates her mother's story in her quest for self, and how her mother managed to break free from the societal straitjacket and identity assignments that silence Muslim women and make them victims under patriarchal discourse. The novel's structure is characterized by the narrative within the narrative, itself typical of the magic realism of the 1980s Latin American literature boom as well as of Oriental literature – especially Arabian Nights –, and is accompanied by comments from the narrator. The analysis of the function of magical elements and myths shows that, while the use of the supernatural in postcolonial studies allows for the subversion of the hierarchy between (former) colonizers and colonized, in this novel it is a matter of deconstructing the hierarchy between man and woman and giving agency to women. Hence, the magic-realist aesthetic is called magical feminism here, a notion coined by Patricia Hart (1989). The mother imposes herself as a subject through her spoken word, which in turn becomes a performative utterance. Referring to Saba Mahmood (2009), it shows that patriarchal norms are in this way subtly undermined from within, even if they seem to be preserved from without. The importance of the narrator's point of view towards the supernatural phenomena is emphasized; while keeping a certain distance, she confirms the veracity of the story and thus inscribes it into her own reality. By constructing and transmitting in a novel an imaginary world with powerful women, the author creates a female genealogy that is missing in patriarchal societies and that will be necessary to change the secular order in postcolonial Tunisia. |