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Le modèle de la corésidence en famille nucléaire s’est imposé comme norme dans les sociétés occidentales contemporaines. La classification des données du recensement en France métropolitaine et dans ses départements et collectivités d’Outre-Mer (COM) rassemble toutes les autres formes d’organisation familiale dans la catégorie résiduelle des « ménages complexes ». Pourtant, en Polynésie française cette catégorie représente plus d’un quart des ménages, soit 6,5 fois plus qu’en métropole. Cette surreprésentation des ménages complexes pourrait s’expliquer en faisant l’hypothèse que la Polynésie serait dans une phase antérieure des transitions démographiques, relativement à la France métropolitaine. Le modèle de la famille nucléaire ne se serait pas encore diffusé totalement dans les confins du Pacifique. Après un examen de la pertinence de cette assertion, cette communication propose de montrer en quoi les corésidences « complexes » sont adaptées aux caractéristiques d’une COM en crise depuis le milieu des années 1990 en s’appuyant sur les micro-données du dernier recensement polynésien (2017). Dans ce territoire à la structure archipélagique (74 îles habitées réparties sur un territoire vaste comme l’Europe), les problématiques d’accès aux ressources, la recherche d’exogamie puis aujourd’hui, l’accès aux services publics (santé, éducation) et à l’emploi peuvent expliquer la prévalence des ménages complexes. L’accès à l’offre scolaire et aux établissements de soins ou encore les opportunités d’emploi (Torterat, 2021) sont extrêmement concentrées dans les espaces les plus urbanisés comme l’agglomération de Papeete qui connait par ailleurs un marché du logement particulièrement tendu (Ellacott, 2014). Nous montrerons comment dans un tel contexte, les différentes structures de ménages complexes contribuent à optimiser l’accès aux ressources dans le cadre de mobilités nécessaires face aux multiples crises (Sierra-Paycha, Lesage, 2019). Nous proposerons ensuite de déconstruire cette catégorie de « ménages complexes » qui rassemble dans un agrégat composite des configurations de corésidence pourtant très hétérogènes. A partir d’une reconstruction des différents liens entre les membres des ménages, nous montrerons en quoi cette catégorie n’est complexe que du point de vue d’une classification statistique inadaptée. Nous proposerons in fine une nouvelle typologie de ces « ménages complexes » qui contribuera à améliorer la nomenclature statistique polynésienne. |